70e anniversaire de la création du CNR

Mai 28, 2013 | 3e circonscription, Actualités | 0 commentaires

Le 27 mai 1943 était créé dans la clandestinité et sous la présidence du préfet Jean Moulin le Conseil National de la Résistance (CNR). Lors de cette réunion, Jean Moulin dit « Max » devait faire adopter par tous ses membres les buts de la France combattante : faire la guerre ; rendre la parole au peuple français ; rétablir les libertés républicaines dans un Etat où la justice sociale ne sera point exclue et qui aura le sens de la grandeur ; travailler avec les alliés à l’établissement d’une collaboration internationale réelle sur le plan économique et spirituel, dans un monde où la France aura retrouvé son prestige. Il a rassemblé ce jour-là l’ensemble de la résistance intérieure sous l’égide du Général de Gaulle ; désormais la Résistance et la France libre ne formeront plus qu’une entité : la France combattante…

A l’occasion du 70e anniversaire de cette date capitale dans l’Histoire de France, une très belle  et très émouvante cérémonie a eu lieu hier matin au Mémorial de la Résistance, rue des Martyrs, en présence notamment de Christine Crifo, vice-présidente du conseil général de l’Isère, Denise Meunier, Présidente de l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance (ANACR), Yvan Thiebaut, secrétaire général du conseil national des communes Compagnon de la Libération.

Je vous invite à prendre connaissance du discours que j’ai prononcé à cette occasion.

 Monsieur le Préfet,

Monsieur le délégué national du Conseil national des communes compagnon de la Libération,

Madame la Vice-présidente du conseil général,

Monsieur le président de l’Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance,

Mesdames et messieurs les élus,

Mesdames et messieurs les présidents d’association,

Mesdames et Messieurs les résistants et anciens combattants,

Mesdames et Messieurs,

Le 27 mai 1943, il y a tout juste soixante-dix ans, un étrange mais imperceptible ballet se dessinait dans les rues de Paris, à la sortie des stations de Métro. Des hommes se rencontraient par petits groupes dans divers coins de la capitale. Ils s’acheminaient ensuite vers un lieu jusque-là tenu secret, mais dont quelques-uns, guidant leurs compagnons, venaient d’apprendre l’adresse. Tous ces conspirateurs que rien ne distinguait apparemment dans la foule anonyme se retrouvaient peu avant 14 heures au 48 de la rue du Four. Ils montaient à quelques minutes de distance au premier étage. Les précautions prises permettaient de ne pas attirer l’attention du concierge, dont on allait apprendre qu’il était un informateur de la gestapo.

 A 14 heures précises enfin, tous ces hommes qui ont cherché à passer inaperçus se retrouvent dans la salle à manger d’un sympathisant de leur cause. Ils vont prendre là des décisions qui décideront de l’avenir de la France. Ils ont été réunis par le délégué personnel du général de Gaulle, un dénommé Max dont personne ne connaît l’identité réelle. Max a convoqué ce jour-là et pour la première fois les représentants de tous les mouvements de résistance, les partis politiques et les syndicats. Il y a autour de lui des gens de droite et des gens de gauche.  Ces hommes ne sont rassemblés par rien – si ce n’est par l’essentiel, qu’ils font passer par-dessus leurs différends idéologiques. Ils veulent tous gagner la guerre et faire en sorte que la France ait part à la victoire. Lors de cette réunion, Jean MOULIN fait adopter par tous ses membres les buts de la France combattante tels que les avait définis son chef : faire la guerre ; rendre la parole au peuple français ; rétablir les libertés républicaines dans un Etat où la justice sociale ne sera point exclue et qui aura le sens de la grandeur ; travailler avec les alliés à l’établissement d’une collaboration internationale réelle sur le plan économique et spirituel, dans un monde où la France aura retrouvé son prestige. Il fait adopter une motion de soutien au général de Gaulle. Il a rassemblé ce jour-là l’ensemble de la résistance intérieure sous l’égide de l’homme de Londres ; désormais la Résistance et la France libre ne formeront plus qu’une entité : la France combattante. En sortant de cette réunion, l’un des participants s’écrie : « c’est l’unité nationale enfin réalisée ».

 Au soir du 27 mai 1943, Jean MOULIN a en effet accompli sa mission : il a fondé le Conseil National de la Résistance. Il a unifié sous un même commandement politique les mouvements qui avaient eux-mêmes  aggloméré des volontés individuelles de refuser l’inacceptable et des tentatives éparses de combattre l’occupant. Comme le dira André MALRAUX lors du transfert de ses cendres au Panthéon, il a fait des régiments de la Résistance l’armée de la France, celle qui lavera la honte de 1940 et montrera au monde que notre pays s’est maintenu malgré tout dans la guerre et dans l’honneur jusqu’à l’heure de la victoire.

Le 27 mai 1943 est donc bien l’un des jours les plus importants  de notre histoire après la délivrance d’Orléans et la bataille de Valmy, l’un des quelques-uns où la France a trouvé en elle les ressources pour ne pas disparaître. Le collaborateur de Jean MOULIN qui avait organisé cette réunion – Robert CHAMBEIRON, ancien président de l’ANACR que nous avons eu plusieurs fois le plaisir de recevoir à Grenoble et auquel je veux adresser aujourd’hui un amical salut – a pu dire à juste titre pour expliquer la portée de cette réunion, je le cite : « Après le 27 mai, les Américains ne peuvent plus douter de la légitimité de de GAULLE. La France devient un pays allié à part entière et, à ce titre, sera présente lors de la capitulation des armées nazies, le 8 mai 1945. D’autre part, les Alliés doivent abandonner leur projet d’administrer eux-mêmes la France au fur et à mesure de sa libération. Et parce qu’il y a eu le CNR et de GAULLE, la France sera, lors de la création de l’Organisation des Nations-Unies, l’une des cinq grandes puissances à occuper un siège permanent au sein de conseil de sécurité. »

La France d’aujourd’hui doit sa puissance et son rayonnement au 27 mai 1943. La France doit sa puissance et son rayonnement à Jean MOULIN – en plus bien entendu qu’elle lui doit son honneur. L »unificateur de la résistance intérieure nous a été aussi nécessaire que le chef de la France libre car sans lui la voix de l’appel du 18 juin serait demeurée une voix en exil sans prise sur les événements se jouant sur notre sol national. C’est pourquoi il est juste de rendre hommage à Jean MOULIN en ce jour-anniversaire du 70 ème anniversaire du 27 mai 1943 comme nous l’avons fait au général de GAULLE pour le 70 ème anniversaire du 18 juin 1940.

La geste historique de Jean MOULIN que nous commémorons aujourd’hui aura pourtant été courte : 18 mois à peine, du 2 janvier 1942, lorsqu’il est parachuté en France pour rassembler la Résistance au 21 juin 1943, le jour tragique de son arrestation à Caluire. Elle n’en aura pas moins montré toutes les qualités du premier président du CNR : l’attachement à la démocratie et à la liberté, le patriotisme, le courage jusqu’au sacrifice, le sens de l’organisation, la clarté d’esprit, la capacité à saisir les enjeux et à prendre les décisions qui s’imposent même lorsqu’elles bouleversent les intérêts acquis autour de lui. Le plus extraordinaire est que toutes ces qualités se soient manifestées dans un homme parfaitement inconnu à la veille de la guerre. Lorsqu’il apprendra à la Libération l’identité de Jean MOULIN, son ancien secrétaire, Daniel CORDIER, en sera stupéfait et déçu. Il écrit dans ses mémoires avoir cru servir un personnage important, au moins un ministre de la IIIème République. Jean MOULIN était pourtant d’un grade administratif plus élevé que le général de brigade à titre temporaire auquel il avait fait  allégeance à Londres. A l’heure du désastre de 1940, qui vit la faillite des élites, ce furent les plus nobles cœurs et les plus esprits les plus trempés qui assurèrent la relève.

 Sitôt révoqué par Vichy, le préfet Jean MOULIN va méthodiquement chercher à évaluer l’ampleur de la résistance intérieure avant de se rendre à Londres pour engager des pourparlers avec la France libre. Il rencontre Henry FRENAY, qui est l’un des premiers organisateurs de l’armée des ombres, bien avant  qu’il vienne créer le mouvement COMBAT au domicile de Marie REYNOARD dans notre ville. Au fil de ses entretiens avec les uns et les autres, Jean MOULIN dresse avec clarté le tableau des mouvements. Il part alors à Londres sceller l’alliance  de la Résistance intérieure avec de GAULLE. Il en revient chargé d’une mission impossible, qu’il mènera cependant à son terme. Traqué par les Allemands, dont l’étau se resserrera peu à peu autour de lui, et souvent en butte à l’hostilité des chefs des mouvements, jaloux de leur indépendance, il va peser avec une efficacité redoutable sur le cours de la  Seconde Guerre mondiale en donnant à l’armée des ombres les moyens de faire réussir le débarquement de Normandie, qui sera décisif.

Quand il ne tient pas sa galerie de peinture, qui est la passion de cet artiste de talent à la vocation contrariée, il est un faux représentant de commerce qui va à la rencontre des clandestins, ce qu’il estime être son devoir. Il mène une vie obscure et solitaire quand le destin de notre pays repose entre ses mains. Pour choisir ses quelques compagnons, cet homme de gauche qui fut le chef de cabinet de Pierre COT et qui aida les républicains espagnols, accepte le concours de tous, sans exclusive ni sectarisme car il est tout entier au service de la France. Il parvient par cette qualité à créer les Mouvements Unis de la Résistance et l’Armée Secrète. Il donne une impulsion si décisive à l’unité de la France combattante qu’elle lui survivra jusqu’à la victoire. 

A la Libération son nom est inconnu de tous. Bientôt cependant les Français prendront conscience de leur dette imprescriptible à son égard. Ils découvriront son entreprise. Ils apprendront le martyre de cet homme qui n’aura livré aucun secret dans les geôles de la gestapo. Avec le général de GAULLE et le maréchal LECLERC, il est aujourd’hui l’un des trois français dont le nom est porté par une voie publique dans presque toutes les villes de notre pays. Grenoble ne déroge pas à cette règle avec une place Jean MOULIN, proche de la mairie, du conseil général et de la préfecture en un parfait symbole de la République. En ce jour-anniversaire de la création du CNR, nous avons cependant voulu l’honorer également ici, entre le monument des martyrs et le mur du souvenir de la Saint-Barthélémy grenobloise. Le monument des martyrs rappelle son  destin. Le mur du souvenir rappelle sa victoire, puisqu’après lui – et grâce à lui – le combat continua partout et même dans notre ville alors que les chefs de la résistance iséroise le rejoignirent à peine quatre mois plus tard dans le trop long martyrologe des patriotes.

 Grenoble, la ville compagnon de la Libération, Grenoble la ville aux milliers de tués au combat, déportés et disparus, Grenoble la ville de la journée des Tuiles ouvrant la voie à la Révolution et à la République, Grenoble se devait aujourd’hui – et nous le faisons avec solennité – de rendre hommage à l’homme du 27 mai 1943. Puissent les générations futures se souvenir toujours de cet événement historique et s’inspirer des valeurs qui animèrent la vie de Jean MOULIN.

 Vive le souvenir du fondateur et premier président du CNR !

Vive la mémoire de la Résistance !

Vivent la démocratie et les droits de l’homme !

Vive la République et vive la France !