« Grenoble doit poursuivre sa métamorphose en se projetant 20 ans en avant »

Fév 7, 2013 | 3e circonscription, Actualités | 0 commentaires

 Je vous invite à prendre connaissance de mon allocution introductive à l’adoption du lancement de la révision du Plan Local d’Urbanisme (PLU) lors du dernier conseil municipal.

Ce débat sur la révision du Plan Local d’Urbanisme (PLU) est l’occasion de m’interroger, avec vous, sur ce que doit être notre ville dans les 10, 20 ou 30 ans. On ne fait pas un projet d’aménagement urbain, on ne fait pas un projet d’urbanisme qui soit déconnecté de l’idée que l’on a de ce que doit être notre ville. On peut dire que toutes les grandes villes se ressemblent, et bien non ! Je crois qu’il faut avoir le courage de voir qu’il y a ville et ville, comme il y a région et région, bien entendu, même si on peut avoir les mêmes intentions, les mêmes objectifs pour notre avenir. On essaie de concilier à Grenoble, et je pense que tout le monde peut s’accorder là-dessus, la société de la connaissance (le sommet de Lisbonne en définit les grands axes au plan européen même si, malheureusement, il ne les a pas mis en œuvre), avec le développement durable (le sommet européen de Göteborg essayait de rattraper justement le manque de perspective dans le domaine environnemental qui avait été établi dans ce projet européen) et ce que nous sommes :  une ville multiculturelle, aux couleurs du monde. Bref, comment concilier Lisbonne, Göteborg avec Grenoble qui a ses spécificités, qui n’est ni Strasbourg, ni Lille, ni Bordeaux, ni Marseille.  

Je crois que tous, ici, nous aimons notre ville. En tant que maire, bien sûr, j’ai de la passion et une ambition que certains peuvent dire dévorante ! Mais c’est normal, on ne peut pas se conduire différemment quand on est à la tête d’une ville qui est aussi attachante, aussi belle sur beaucoup d’aspects ne serait-ce que par sa population. Mais je souhaite que nous n’aimions pas notre ville simplement comme un musée, mais que nous l’aimions comme une ville qui vit avec une histoire, avec une géographie.

Une histoire qui a mis en avant l’innovation, le goût d’entreprendre, qui fait qu’aujourd’hui encore la croissance en termes d’emploi est deux fois plus importante dans la région grenobloise que dans le reste du pays. C’est aussi la ville où l’esprit de liberté a toujours soufflé et qui nous a amené à façonner une ville à la fois innovante, une ville attractive, une ville qui doit être accueillante au monde entier et trouver son équilibre entre émigration _le fait que les gens formés ici s’investissent ailleurs en France ou dans le monde_ et immigration. Nous devons assurer cet équilibre et, peut être mieux qu’ailleurs, nous y réussissons même si cela est extrêmement difficile.

Notre géographie, nous le savons tous, est également spécifique avec un environnement de montagne qui est exceptionnel mais qui est contraint : le foncier est rare, l’accès aussi bien routier que ferroviaire à travers les trois vallées nous oblige à être plus vertueux qu’ailleurs en matière de développement durable, en matière de déplacement comme de qualité environnementale. Et notre projet urbain doit donc chercher à concilier la ville, ce qu’on appelle le fait urbain qui est un fait mondial irréversible, avec la montagne, l’innovation et le monde dans une perspective de développement durable. Bref, concilier une qualité du cadre de vie avec une limitation des déplacements, notamment entre travail et domicile, et une solidarité territoriale avec des valeurs progressistes que je veux mettre en avant notamment en termes d’offre équilibrée de logements.

Cette dimension prospective nous amène donc à concevoir un Plan Local d’Urbanisme qui, à mon avis, doit avoir plusieurs contours : d’abord maintenir le développement économique dans le cadre d’une croissance équilibrée toutes disciplines industrielles et scientifiques confondues. Une croissance peu consommatrice en énergie et peu productrice de nuisances à la fois pour des raisons de fond mais aussi parce que l’on est contraint dans une cuvette et l’on sait que si l’on n’était pas plus vertueux qu’ailleurs ce serait plus dégradant qu’ailleurs (…).

La deuxième dimension prospective, c’est le territoire dans lequel nous devons nous inscrire. Nous n’avons évidemment pas fini de travailler, d’aménager notre ville-centre, mais il est évident que nous ne pouvons plus nous contenter d’une prospective à l’échelle de la ville-centre de 160 000 habitants. A travers les trois polarités, nous avons déjà la capacité d’avoir un projet d’urbanisme. Mais il faudra aller plus loin, et je le dis tel que je le pense, parce que c’est aussi une orientation nationale, je suis pour un PLU communautaire au niveau de l’agglomération, je suis pour que l’on inscrive dans la loi, comme il est prévu dans le projet de loi DUFLOT, cette perspective de PLU communautaire. Ce ne sera pas facile, les débats au plan national ne permettent pas d’être sûr de notre coup, mais en tout cas je crois qu’il est absolument essentiel qu’après le PDU, qu’après le PLH nous puissions déboucher sur un PLU communautaire. Je vais même plus loin : on ne pourra pas concevoir une véritable organisation de notre territoire sur le plan économique, sur le plan social, sur le plan environnemental s’il n’y a pas à terme dans cette agglomération des élus au suffrage universel direct. Quand on sait que 61% des Français ne votent pas dans la commune où ils travaillent, on comprend la difficulté de bien articuler les territoires de vie avec les territoires politiques. Et si on pousse au bout la réflexion démocratique, on doit avoir quelque chose qui soit équilibré dans la représentation des communes et dans la capacité des citoyens à porter un jugement à la fois sur leurs lieux de vie, leurs lieux de domicile, leurs lieux de travail. C’est un problème de fond qui est un problème démocratique et mérite évidemment que l’on prenne parti.

Au-delà même de l’agglomération, nous n’avons pas d’espace de respiration et de compréhension des phénomènes, notamment en termes de déplacements et d’emplois, si on ne réfléchit pas à l’échelle d’une région urbaine avec le Pays Voironnais comme avec le pays du Grésivaudan.

Ce qui a été engagé au cours des dernières années et des derniers mois va dans le bon sens. Nous devons le dire clairement et l’encourager sans dire que l’on va jouer les impérialistes et prendre tout cela de haut.  Nous avons, au contraire, à tisser des échanges qui soient équilibrés et qui permettent aux uns aux autres de progresser pour préparer ce que doit être l’aire urbaine dans 10 dans 20 ou 30 ans au plan économique comme au plan citoyen et démocratique. Il faut même envisager un développement qui va bien au-delà, à l’échelle du sillon alpin. J’étais l’un de ceux qui défendaient l’idée de réseaux de villes qui puissent s’articuler en de véritables pôles métropolitains même s’il n’y pas continuité de territoire, dans la loi de décembre 2010 puisque l’on n’arrivait pas à bien formuler ce que devait être une métropole.

Quand on voit la relative homogénéité, la diversité et la richesse également, aussi bien du pays de Valence, que de la région grenobloise, de Chambéry ou même d’Annecy, on voit qu’il y a une capacité à mener des politiques d’ensemble en termes de développement économique, de déplacement, de tourisme… Bref, qu’il y a une véritable identité alpine et qu’en mutualisant et en jouant ensemble, cela sera un plus pour tout le monde. On fait dans le gagnant-gagnant et de ce point de vue je suis vraiment partisan de schémas non pas simplement de SCOT liés aux aires urbaines autour des plus grandes villes mais qu’il y ait une réflexion inter-SCOT pour que nous puissions mutualiser pour avoir les meilleurs compromis possibles.

Un mot supplémentaire sur les villes compactes : je crois que plus qu’ailleurs la réalité géographique s’impose chez nous. Je veux parler de la contrainte de l’environnement de montagne. Mais comme partout ailleurs, les évolutions sociétales notamment en termes de logement, de décohabitation, avec la volonté d’autonomie des jeunes couples vis-à-vis de leurs parents ont conduit à une baisse du nombre d’habitants par logement. Même si on a beaucoup construit, nous n’arrivons pas à retrouver en nombre d’habitants la population de Grenoble d’il y 40 ou 50 ans. Observons aussi, avant de conclure trop rapidement, qu’il n’y a pas de contradiction entre une certaine densité et une certaine qualité de vie. Prenons les deux quartiers de Championnet et de Châtelet : Championnet est infiniment plus dense que Châtelet mais il y a beaucoup d’équipements, de commerces, de lieux de rencontre qui montrent que l’on est capable de construire des quartiers sans cité relativement importante et qu’il soit agréable à vivre et c’est tout le défi qui est devant nous si nous ne voulons pas tomber dans les conséquences fâcheuses de l’étalement urbain.

Grenoble doit se reconstruire sur elle-même pour poursuivre son attractivité notamment en direction des familles avec enfants, pour permettre d’accueillir des primo-accédants pour répondre à la crise du logement, pour garantir la qualité du cadre de vie avec des offres éducatives, des offres culturelles, sportives, sociales de qualité.

Un mot supplémentaire sur les déplacements. Nous avons fait beaucoup de choses dans l’agglomération grenobloise depuis trois décennies. Vous savez que les choses ont changé en un peu plus d’une génération. Pour le Français moyen, la statistique est passée d’un déplacement quotidien de 5 km à aujourd’hui 45 km ! Et puis c’est très variable. Si vous permettez cette petite réflexion, en souriant, le président Nicolas Sarkozy se déplaçait en moyenne 700 kilomètres par jour alors que les mômes, au pied de leur immeuble, ne dépassent pas les 5 kilomètres…

Il y a donc une très grande diversité mais une chose est sûre, ces déplacements et leurs maîtrises conditionnent notre capacité à voir un aménagement urbain équilibré. Les politiques de déplacement restent essentielles pour structurer aussi bien économiquement que socialement et qu’écologiquement nos territoires.  (…)

Sur le logement, prenons acte des résultats qui sont aussi les conséquences de nos engagements politiques volontaires. Il y a deux ans nous avions atteint le fameux taux des 20% de logements sociaux dans le  parc grenoblois, c’est-à-dire que l’on était dans les clous de l’article 55 de la loi SRU. Aujourd’hui, nous sommes à peu près à 22% et nous pouvons nous inscrire, si nous poursuivons cet effort, dans la perspective des 25% dans les 5 ans comme le prévoit la loi DUFLOT que nous venons de voter en ce mois de janvier. C’est absolument indispensable si nous voulons augmenter la fluidité dans le parcours résidentiel. C’est indispensable aussi, en termes économique. Un des principaux freins aujourd’hui dans le redressement économique et social de notre pays vient de ce blocage en matière de logement qui fait qu’une part de la population reste « prisonnière » dans des villes, peu encline à la mobilité, ne sachant pas si elle est sûre de pouvoir retrouver un logement. Cela handicape énormément le développement économique de notre propre ville.

Toute l’agglomération est désormais concernée. Beaucoup de progrès ont été réalisés en trois ans  dans l’agglomération même s’il est évident qu’il y a encore un long chemin à parcourir. Nous ne pourrons pas avoir un développement économique de qualité, soutenu, maitrisé dans l’agglomération si on n’a pas de façon concomitante une offre importante de logements. Tous les maires depuis la Libération courent après cette crise du logement sur Grenoble et l’agglomération grenobloise et il est plus que jamais important d’essayer de se rapprocher de l’équilibre qui est évidemment recherché.

Un dernier point sur la concertation : tous les projets d’aménagement et d’urbanisme doivent se construire pour et avec les Grenoblois puisque c’est leur logement, leur déplacement, leur capacité d’avoir des équipements et de pouvoir vivre dans les meilleures conditions possibles. Toutes leurs remarques, toutes leurs attentes, toutes les interrogations, toutes leurs inquiétudes doivent être prises en compte. Dans le même temps, nous ne pouvons pas ne pas avoir des valeurs et des objectifs sur lesquels nous voulons orienter, en échanges incessants avec la population. Des études montrent que malheureusement, les contraintes urbaines étant  tellement fortes, une majorité de la population française vivant en ville recherche du silence, une bonne école, pas d’entreprise, ni de centres sociaux à proximité. En suivant ce programme, beaucoup s’imaginent que l’on peut être sûr d’être réélu. Mais on ne prépare pas forcement l’avenir de nos territoires et en tout cas on ne prend pas suffisamment en compte la solidarité envers les plus démunis, les plus défavorisés de notre population.

C’est un choix de valeur, c’est un choix politique. Le mien, il est fait. La concertation doit être continue, elle doit pouvoir se poursuivre pendant les phases opérationnelles après même l’examen des délibérations, car nous le savons beaucoup de choses peuvent changer, évoluer, s’adapter et que le résultat se juge finalement quand l’aménagement est réalisé. Sans constance, sans courage aussi, nous n’aurions jamais débuté Teisseire, nous aurions jamais réalisé la 3e  ligne de tramway.

Je veux conclure en disant que Grenoble doit poursuivre son changement, sa métamorphose en se projetant 20 ans en avant, en liaison avec toutes les communes de l’agglomération et même plus loin que la région urbaine. Le PLU doit être  un outil capable de nous aider à mobiliser toutes les énergies pour parfaire la construction de ce qui doit être une grande et belle ville à taille humaine, ouverte sur l’extérieur et à rayonnement international.