Hommage au Père Fréchet

Mar 24, 2011 | 3e circonscription, Actualités | 0 commentaires

Monseigneur,

Mesdames, Messieurs,

C’est le Père Fréchet qui nous réunit une fois de plus; lui; le serviteur fervent et le soldat infatigable de l’amour de Dieu et des hommes – animé tout entier par sa foi et son  espérance.

J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer la grande tristesse que me cause, comme à vous tous, la perte d’un frère en humanité admiré et respecté. Mais les moments de séparation et de chagrin sont aussi ceux où la reconnaissance vient au secours de la consolation. Et nous savons que nous pouvons puiser en abondance les raisons d’espérer dans l’héritage généreux que nous laisse Jean Fréchet, au terme d’une vie pétrie de passion, de lumière et de tendresse.

Nous l’avons connu homme de passion, bousculant, interpellant, rudoyant parfois ses interlocuteurs qu’il jugeait trop policés, trop prudents, trop raisonnables, trop résignés pour lui, qui professait que « tout homme, même le plus cabossé, était une histoire sacrée ». Il aura lutté toute sa vie, « entre la foi et la colère », pied à pied, jusqu’au bout de ses forces, posant et reposant une à une les pierres d’un royaume où les « pauvres seraient enfin les invités de la société et des églises ».

Que de fois l’ai-je rencontré, chez lui, ici, au fond de cette église Saint-Paul, au milieu des siens, les sans-toits, les sans-papiers, m’interpellant sur l’action de la municipalité, pour quelques logements de plus à mettre à disposition, pour quelques subventions de plus, pour un témoignage, une lettre, une tribune a faire paraître dans ses publications à envoyer au bout du monde, là ou la pauvreté et la précarité sont encore plus vives qu’ici…

Nous l’avons connu homme de lumière – la lumière qui éclairait son cœur de croyant et la lumière qu’il voyait en chacun, y compris tapie derrière les ombres les plus épaisses de la souffrance, de la déchéance, de la solitude. Je me souviens que la lumière, pour lui, c’était aussi très concrètement celle du village d’Hennaya. Le Père Fréchet était un ancien d’Algérie où il avait fait son service militaire, période dont il disait garder une blessure non refermée. Appelé d’un contingent « trop jeune et trop fragile pour être affronté à une guerre fratricide », il avait côtoyé là-bas à la fois des militaires qui arrivaient d’Indochine « blindés et professionnels » et des prisonniers FLN qui souffraient « dans leur dignité d’hommes de la politique de la France ». Mais sa mémoire gardait une préférence émue pour la population chrétienne et musulmane d’Hennaya, village alors relativement protégé dont il était sûr qu’il boirait le vin délicieux, au paradis, en compagnie de ses amis d’alors.

Nous l’avons connu homme de tendresse. Tendresse qu’il témoignait avec une confiante autorité aux plus endurcis par l’adversité, à ceux que la vie désertait, à ceux qu’il fallait relever encore et encore. Je me souviens que cette tendresse avait baigné son enfance, une enfance passée dans ses chères « terres froides », pays qu’il évoquait avec un bonheur toujours neuf, comme lorsqu’il se rappelait la batteuse du Passage, « de loin la plus moderne de la région » et les fiers sourires avec lesquels ses camarades et lui regardaient les batteuses des villages voisins – Saint Ondras, Saint Didier, Saint André…

Homme intransigeant, aux convictions et aux engagements radicalement sincères, homme de passion, de lumière et d’infinie tendresse, le Père Fréchet nous ramenait sans cesse et sans concession à une exigence première, « la plus grande des choses » : l’amour de l’autre, sans condition.

Merci à Jean Fréchet, merci à tous ceux qui l’ont accompagné dans sa vie de batailles, et qui assurent déjà la relève. Dans l’actualité sombre et tourmentée que nous traversons, le témoignage de cette vie accomplie donne sans aucun doute des raisons de poursuivre les combats entrepris et surtout d’espérer.