Inauguration du Musée Stendhal

Sep 15, 2012 | 3e circonscription, Actualités | 0 commentaires

Vendredi après-midi, en présence de Pierre Bergé, j’ai inauguré avec joie et fierté le Musée Stendhal de Grenoble.

Celui-ci, dans un concept novateur de « musée en réseau », fédère l’appartement natal de Stendhal, la collection stendhalienne de la Bibliothèque s’étude et d’information, un itinéraire littéraire dans le centre historique, et enfin un lieu muséal : l’appartement du Docteur Gagnon, grand-père maternel de Stendhal.

Cet appartement est le lieu de mémoire dédié à l’écrivain. Sa muséographie tient compte à la fois de la signification des différents espaces et des oeuvres d’art présentées, de leurs liens avec les manuscrits et la vie de Stendhal.

Il expose une sélection de la collection « Musée Stendhal » labellisée en 2003 « Musée de France » et a obtenu en 2011 le label « Maison des Illustres » décerné par l’Etat.

A la suite de son inauguration officielle, il est ouvert au public à partir du samedi 15 septembre pour les Journées européennes du patrimoine.

Je vous invite à prendre connaissance du discours que j’ai prononcé à cette occasion :

« Ne prononcez pas devant moi le nom de cet homme infâme« . Ce mot devenu célèbre du Président de l’Académie Delphinale dans les années 1920 se voulait sans doute définitif et il aurait pu sceller le divorce de Grenoble avec son enfant le plus célèbre, l’écrivain Henry BEYLE dit STENDHAL. L’histoire locale montra pourtant bien vite qu’il n’en serait rien. Dès le 5 mai 1934, la municipalité de Grenoble inaugurait sous l’impulsion du maire Léon MARTIN le premier des musées STENDHAL que notre ville allait abriter au cours du temps – jusqu’à celui que nous inaugurons aujourd’hui, et dont je crois pouvoir vous assurer qu’il réunit enfin toutes les conditions objectives pour être cette fois-ci le bon (j’y reviendrai dans un instant).

 

La pleine reconnaissance de Stendhal par Grenoble aura pris du temps mais elle aura porté ses fruits. On connaît les quelques mots peu aimables par lesquels STENDHAL décrivait notre ville. On oublie cependant qu’ils visaient en réalité son enfance, rendue malheureuse par la mort précoce de sa mère et le climat mesquin de la famille BEYLE entre son père, sa tante et l’abbé chargé de son éducation. Que cette haine de son enfance se soit transférée sur le souvenir de notre ville n’étonnera aucun psychologue. Et en revanche on méconnait hélas davantage la nostalgie des montagnes qu’il exprimait à Paris en rappelant qu’on les trouvait dans notre ville au bout de chaque rue aussi bien que le jugement définitif qu’il rendit sur Grenoble au soir de sa vie. Je vous le livre avec fierté : « Ce que j’aime de Grenoble, écrivait-il, c’est qu’elle a la physionomie d’une ville et non d’un grand village comme Reims, Poitiers ou Dijon (…) cet ensemble est bien voisin de la perfection (…) que pourrais-je ajouter à ceci si j’étais le Père Eternel ? » Quel maire de France pourrait citer un propos aussi élogieux proféré par un génie mondialement connu ? C’est pourquoi je me refuserais à présenter l’inauguration du nouveau musée STENDHAL comme le parachèvement d’un processus de réconciliation entre Grenoble et son grand écrivain. Grenoble et STENDHAL se ressemblent beaucoup trop pour avoir été jamais séparés. La liberté et l’ouverture sur le monde les rassemblent.

 

La liberté d’abord. La Révolution française a pris naissance ici le 28 juin 1788 sous les fenêtres de l’appartement GAGNON. L’enfant Henry BEYLE observa la journée des Tuiles et les suites de la Révolution avec une ardente sympathie comme il le rapporte dans de très belles pages du Journal d’Henry BRULARD dont la Ville de Grenoble a cofinancé l’adaptation cinématographique par Roy LEKUS et Françoise JOLIVET – je vous invite à découvrir ce film « Tremblez tyrans ! » sur les bornes de notre exposition. Toute sa vie Henry BEYLE aura été un homme libre dans ses opinions, son mode de vie, sa façon de concevoir l’écriture à rebours des poncifs de son époque.

 

La liberté donc, l’ouverture sur le monde ensuite. Celle de Grenoble n’est plus à démontrer depuis l’invention de la houille blanche au XIXème, qui donna le signal à la venue de nouveaux Grenoblois accourus, au fil de nos innovations techniques et technologiques, d’Italie, d’Europe et à présent du monde entier. Grenoble se veut une ville cosmopolite, on parle toutes les langues du monde dans nos rues et nous sommes jumelés avec 18 collectivités sur tous les continents. Henry BEYLE, qui fit écrire sur sa pierre tombale qu’il était milanais, arpentait quant à lui l’Europe entre ce qu’il décrivait avec ironie « deux brèves rechutes dans la sédentarité ». Déjà dans la petite ville de gantiers, d’avocats et de militaires qu’était alors Grenoble on apprenait sur les bords de l’Isère à humer l’air du grand large !

 

Autant dire que le Musée STENDHAL, que nous inaugurons ce soir et que les Grenoblois découvriront dès demain dans le cadre des journées européennes du patrimoine, sera un lieu emblématique de notre Ville. Je sais bien que les esprits chagrins mais aussi les stendhaliens fervents, n’est-ce pas Gérald RANNAUD ? observeront qu’il arrive un peu tard. Je ne reviendrai pas ici sur toutes les contraintes ayant pesé sur ce projet. Mais personne ne peut nier que l’appartement natal, bien que vaste, n’offrait pas l’espace de la maison de Victor HUGO place des Vosges ou du château de Saché où BALZAC est honoré. Et tout le monde sait que l’appartement GAGNON a été divisé. De ces contraintes, nous avons voulu tirer un concept nouveau : celui d’un musée en réseau, concept qui a d’emblée séduit le Ministère de la Culture lorsque nous lui avons présenté ce projet arce qu’il se distingue par son caractère novateur. Nous n’avons pas voulu, en effet, créer un musée ex nihilo dans un nouveau bâtiment à l’aspect flambant neuf. 

Un tel lieu, on l’a bien compris, n’aurait eu aucun intérêt patrimonial et qu’il nous aurait amené à des choix incohérents en retirant le fond stendhalien de la bibliothèque d’information où il trouve sa place naturelle. Plutôt qu’un telle solution, flambant neuve mais sans cohérence, nous avons opté pour la solution intelligente, que je crois porteuse d’avenir. 

Avec l’appartement natal, que le public visitera par l’intermédiaire de l’Office du Tourisme et qui demeurera bien entendu également un espace dédié à la création contemporaine car il ne servirait à rien d’honorer les écrivains morts si nous laissions mourir dans l’œuf les écrivains vivants.

 

Avec l’appartement GAGNON, redevenu un lieu de présentation patrimonial et qui sera ouvert aux visites individuelles.

Avec la bibliothèque d’information, où l’exposition « Pseudo Stendhal » inaugurée aujourd’hui lance les festivités autour du musée Stendhal. Cette bibliothèque abrite un fonds stendhalien incomparable, on peut même dire exhaustif depuis l’acquisition en 2006 des 5 derniers cahiers autographes du journal de STENDHAL grâce au concours de l’Etat et l’aide précieuse et amicale de Pierre BERGE, j’y reviendrai dans un instant. Ce fonds a été constitué dès 1861 à partir d’un legs et il s’est renforcé au fil du temps. Il faut observer que les conservateurs de la bibliothèque de Grenoble ont rassemblé ce fonds avant même que le jugement de l’histoire littéraire ne reconnaisse au XXème siècle STENDHAL comme l’un des géants du roman français.

 

Et puis surtout ce musée ne serait pas ce qu’il sera sans un élément immatériel indispensable pour l’ouvrir sur l’extérieur : je veux parler bien entendu des parcours stendhaliens, qui renforceront le caractère éclaté du Musée et lui donneront sa forme originale. Ainsi la Ville de Grenoble pourra-t-elle avec ce dispositif faire de la mémoire de STENDHAL un élément de diffusion culturelle, de rayonnement international et de promotion touristique.

Je veux en remercier tous ceux qui y auront contribué : Eliane BARACETTI, mon Adjointe passionnée de littérature et la direction des affaires  culturelles, Christine CARRIER et l’équipe des bibliothèques, Olivier TOMASINI tout particulièrement qui aura été la cheville ouvrière de ce projet, sans oublier nos partenaires : l’Etat, la Région, le Conseil général, les associations STENDHAL de Grenoble et de Paris, l’université Stendhal.

Je souhaite également remercier chaleureusement Cédric AVENIR, Maître d’oeuvre des travaux du Musée Stendhal, qui a consacré pratiquement une année de travail à la réhabilitation de l’appartement Gagnon, assurant un suivi minutieux des travaux en lien avec les nombreuses entreprises qui ont collaboré. Je remercie également Catherine RENARD, Chef de projet Bâtiment à la Ville de Grenoble.

Et comment de pas saluer également le grand acteur Denis PODALYDES qui apporte son concours prestigieux à cette manifestation et que nous retrouverons avec grand plaisir un peu plus tard au Jardin de Ville. Saluer également Mathieu AMALRIC, acteur et metteur en scène, passionné de Stendhal qui nous fait l’honneur de sa présence amicale aujourd’hui. Saluer aussi mon ami Ariel GARCIA-VALDES, acteur et metteur en scène qui a fait la fierté de Grenoble, Barcelone et Montpellier.  

 

A l’heure où nous touchons enfin au but, je veux tous vous assurer que ce musée STENDHAL sera l’une des grandes fiertés que je garderai des municipalités que j’aurais conduites. Il confortera la vocation stendhalienne de notre ville, il en fera le cœur vivant de « la Stendhalie » pour reprendre le beau mot de Julien GRACQ. Et surtout il dira aux Grenoblois, aux touristes, à tous ceux qui s’intéressent à notre ville et qui l’aiment, ce qu’est véritablement Grenoble.

J’ai pour habitude de rappeler que les trois roses de notre blason communal évoquent la liberté, la science et la montagne. Trois idéaux dont vous savez combien ils me sont chers. Cependant je ne voudrais pour rien au monde qu’ils résument à eux seuls l’identité de Grenoble. Une ville est un lieu d’échanges et de savoir, le creuset de l’élaboration d’une pensée collective mais aussi celui de l’épanouissement individuel de ses habitants. En un mot, une ville comme la nôtre est avant tout une invention culturelle permanente.

La culture est ce qui permet à chacun de s’affirmer dans sa singularité et en même temps elle est ce qui nous rassemble. C’est pourquoi la politique culturelle est l’une des priorités de notre municipalité et je veux remercier ici Eliane BARACETTI d’assumer cette délégation avec la compétence et l’enthousiasme qui la caractérisent tout en lui associant bien entendu Jérôme SAFAR et Jean-Jacques GLEIZAL qui ont été ses devanciers depuis que j’exerce mes fonctions de maire. Avec la MC2, qui est un des premiers lieux de création et de diffusion en France (la promotion de Michel ORIER à la Direction générale de la création artistique témoigne de cette reconnaissance au plus haut niveau), le théâtre de Grenoble, nos compagnies indépendantes, Jean-Claude GALOTTA, les Musiciens du Louvre avec Marc Minkowski, le conservatoire de Région, un réseau de bibliothèques municipales de tout premier plan, Grenoble est une ville où la culture rayonne en se voulant accessible à tous, fidèle en cela au beau mot d’Antoine VITEZ qui prônait avec raison « l’élitisme pour tous ».

La culture est d’autant plus essentielle qu’elle représente un acte de résistance contre le cours du monde, l’argent, la barbarie – sans oublier la perte de sens collectif dans bien trop d’existences contemporaines.Ce n’est pas jouer au vieux barbon que d’observer que les mots nous envahissent, de slogans publicitaires en SMS, mais qu’ils n’ont jamais signifié aussi peu de choses, jamais autant masqué la viduité des discours formatés – on pourrait dire même aliénés – qui se résument avec fierté, pour reprendre une expression à la mode, au refus de « toute prise de tête ». Eh bien  résister à ce monde-là, où des êtres humains ont renoncé à la réflexion personnelle et donc à leur liberté, c’est poser des mots sur le monde pour dire ce qu’il est et espérer ce qu’il devrait être. La  littérature a ce pouvoir. STENDHAL nous le rappelle chaque fois que nous lisons ses lignes , pas seulement ses grands romans mais aussi ses journaux, ses carnets de voyage, ses esquisses, dans lesquels un homme s’adresse à nous par-delà la mort pour nous administrer une formidable leçon de vie.

Je sais que le Musée STENDHAL que nous inaugurons aujourd’hui répondra à cet objectif de faire aller la littérature vers les gens du fait de son caractère en réseau et vivant. Je sais aussi que nous sommes nombreux dans cette salle à partager cette ambition. Mais parmi tous ceux qui l’éprouvent, on me permettra de distinguer l’un des nôtres tout particulièrement.

Après vous avoir tous remerciés ce soir de votre présence à cette cérémonie  et pour beaucoup d’entre vous de votre contribution de la création du Musée STENDHAL, après avoir souhaité longue vie à ce Musée et à notre ville, je voudrais exprimer ce soir ma gratitude à notre ami Pierre BERGE. Pierre  BERGE, je n’oublierai jamais qu’elle fut votre aide précieuse pour compléter notre fonds stendhalien. Vous nous aviez généreusement prêté les 5 derniers cahiers autographes du journal de STENDHAL qui nous manquaient, leur exposition dans cette même bibliothèque d’information ayant marqué le lancement de la mobilisation des Grenoblois et de l’Etat pour les acquérir. Mais au-delà de notre gratitude pour ce geste, la Ville de Grenoble a voulu vous distinguer ce soir parce que vous incarnez au premier chef les amoureux de la littérature qui savent la faire aimer autour de vous. Tout le monde connaît le PDG de la maison Yves SAINT-LAURENT et le président de la chambre syndicale des couturiers et créateurs de mode que vous avez été durant tant d’années. Mais avec vos ouvrages, et notamment « Les jours s’en vont, je demeure » nous avons découvert ou redécouvert le jeune homme de 20 ans secrétaire de Jean GIONO, l’ami de COCTEAU et de bien d’autres écrivains aimés et admirés. La sensibilité que vous exprimez dans vos écrits nous rappelle à chaque page le caractère vivant de la culture. C’est pourquoi, Pierre BERGE, j’ai le très grand plaisir de vous remettre ce soir la grande médaille d’or de notre Ville. En invitant l’assistance à vous témoigner notre admiration et notre amitié. Bravo à vous pour votre vie, dont on peut dire comme celle de STENDHAL qu’elle est à sa façon une œuvre d’art. Et encore une fois merci pour tout.