Je vous invite à prendre connaissance de la tribune que j’ai signée dans Libération de ce vendredi 13 juillet :
« La situation est historique pour le Parti socialiste. Pour deux raisons. D’abord, la gauche est pour la première fois majoritaire dans les deux chambres ainsi qu’à tous les niveaux locaux. Toutes ces victoires nous donnent institutionnellement une forte latitude d’action. Ensuite, nous faisons face à la conjonction de la crise française, qui a affaibli notre pays, et de la crise européenne, qui nous entraîne dans une spirale récessive. Dans ce contexte, quel doit être le rôle du Parti socialiste ?
Il n’est pas de rebâtir un projet complet. Nous l’avons établi, à l’unanimité, sous l’autorité de Martine Aubry. Il constitue un socle identitaire pour la période. Les «Soixante Propositions» de François Hollande, validées par le résultat de l’élection présidentielle, sont, elles, la charte du travail gouvernemental. La tâche principale est de statuer sur ce qui doit déterminer la réussite de notre action et sur ce qui doit être rénové dans notre parti pour qu’il soit à la hauteur de ses tâches.
Quatre tâches nous attendent. Premièrement, à l’heure où la crise économique facilite les résurgences nationalistes partout en Europe, y compris en France, le Parti socialiste doit réaffirmer avec force son attachement indéfectible à la construction européenne. Grâce à l’action de François Hollande, soutenir et relancer l’activité ne sont plus des mots tabous au niveau européen. Mais il ne faut pas se contenter de cette avancée, il faut maintenant entamer sans attendre l’approfondissement politique de l’Europe, en lien étroit avec nos partenaires allemands. L’intégration politique doit passer par un rapprochement entre les citoyens européens et leurs institutions. Les prochaines élections européennes doivent être l’occasion d’une réforme électorale forte avec l’instauration de listes transnationales, dont la tête de liste serait candidat à la présidence de la Commission, afin de permettre de dégager une majorité claire au Parlement européen.
L’élargissement de l’Union européenne doit nous conduire à nous émanciper des décisions à l’unanimité. Les six pays fondateurs, accompagnés de ceux qui le souhaitent, doivent avancer ensemble sur plusieurs sujets comme l’harmonisation fiscale, une coopération étroite qui pourrait déboucher sur la mise en place d’un budget et surtout prendre des mesures fortes pour relancer la croissance.
Cette croissance doit être soutenue par des investissements de grande ampleur (de l’ordre de 500 milliards d’euros), et rentables, financés par des «project bonds» [emprunts obligataires destinés au financement de projets, ndlr] levés sur le marché par l’intermédiaire de la Banque européenne d’investissement (BEI).
Deuxièmement, nous devons, tout en étant conscients des contraintes budgétaires, créer un choc de l’offre en investissant massivement sur les secteurs à fortes externalités positives. Cela nécessite de réorienter nos dépenses publiques pour favoriser, d’un côté ceux qui créent et innovent le mieux, de l’autre ceux qui souffrent le plus. La structure de nos recettes doit également être modifiée afin d’imposer de manière différenciée l’activité et la spéculation. Dans cette période dure pour l’activité économique, l’Etat doit veiller à défendre la compétitivité de nos entreprises. Des réformes structurelles en faveur d’une démocratie sociale sont indispensables, notamment via la présence significative de salariés dans les Conseils de surveillance.
Troisièmement, la période actuelle doit être l’occasion de rappeler le rôle déterminant des collectivités locales dans la bataille pour l’emploi et la croissance. L’action des collectivités territoriales est souvent plus efficace que celle de l’Etat et il convient d’étendre leurs compétences au soutien à l’emploi et au développement des entreprises, à l’université, au logement… Pour autant, la territorialisation ne peut se traduire par une aggravation des inégalités territoriales qui sont déjà beaucoup trop fortes en France. Il faut donc l’accompagner de deux mesures essentielles : le renforcement d’un «Etat stratège» et un puissant mouvement de péréquation.
Enfin, la période qui s’ouvre doit être l’occasion de prolonger la modernisation du Parti socialiste et d’en démontrer l’exemplarité dans les pratiques. Le PS doit aussi offrir une garantie effective pour les droits des militants au libre débat et à l’accès aux responsabilités politiques. Plus que jamais notre organisation doit se montrer ferme vis-à-vis de toutes les dérives qui pourraient être constatées en son sein et se détourner de manière claire de toute dérive clientéliste ou bureaucratique.
La modernisation du Parti socialiste passe aussi par le renouvellement. Si le PS a accompli des efforts, qu’il convient de poursuivre, pour améliorer la parité dans ses instances et parmi ses élus, il doit mettre en place des mesures efficaces afin d’amorcer un véritable renouvellement générationnel parmi ses cadres et garantir que ses responsables soient à l’image de la société française. Cette jeune génération sera la plus à même d’aider notre parti à inventer la gauche de demain et à jouer un rôle de défricheur d’idées, dont le gouvernement aura besoin. »
Michel DESTOT, Député-Maire de Grenoble et Président d’Inventer à Gauche