Contribution IAG au Congrès du Parti Socialiste

Fév 8, 2015 | Actualités | 0 commentaires

Reconstruire le socialisme et l’Europe ? La question se pose en termes identitaires comme en termes de projets. Nous ne reconstruirons pas l’Europe en dehors d’une contribution active de la social-démocratie. Nous ne redonnerons pas l’espérance sociale et démocrate en France sans perspective européenne.

Les problèmes économiques de la France, la montée continue et très préoccupante du chômage, l’affaiblissement de la compétitivité de nombre de nos entreprises depuis une dizaine d’années et la panne de croissance que connait l’Union Européenne, expliquent que les gouvernements fassent des choix qui n’avaient pas été débattus durant la campagne présidentielle de 2012- même si l’impératif du redressement avait été explicité- et qui sont discutés depuis.

Tenir compte des réalités est en effet une nécessité lorsqu’on a en charge les responsabilités d’un pays.

L’urgence est de définir les conditions qui permettent aux socialistes de trouver un nouvel élan et de renouer les fils de la confiance. Il faut pour cela dire nettement ce que nous sommes et ce que nous voulons. Ces deux objectifs doivent être assumés ensemble. Si les français veulent des réponses pour leur vie quotidienne, il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas d’action politique qui ne s’inscrive dans un grand dessein. Et définir ou redéfinir ce grand dessein passe par une actualisation de la pensée socialiste.

Une tâche importante -et urgente- est donc d’établir les liens entre notre “carte d’identité” et ce que nous faisons. A ce titre , il faut reconnaitre qu’une part de nos problèmes tient à ce que nous n’avons que partiellement tiré les conséquences du siècle écoulé et des transformations récentes survenues dans l’état du monde. Une autre part de nos difficultés tient à ce que nous devons, en tant que parti au pouvoir, relever le quadruple enjeu auquel doit faire face notre pays aujourd’hui:

– le maintien de la crédibilité de la France sous peine de la voir attaquer au plan financier et voir les taux d’intérêt augmenter, ce qui la ligoterait durablement comme l’ont été l’Espagne, la Grèce ou le Portugal;

-la recréation des conditions d’une croissance réussie afin de retrouver un équilibre budgétaire. La spirale de la déflation étant la pire des choses pour atteindre les objectifs fixés par l’Europe.

-l’approfondissement de la justice sociale à la fois pour des raisons politiques évidentes mais aussi parce que cette justice sociale est la condition même du redressement économique et financier du pays,

-la refondation du cadre de l’Etat républicain. La définition d’un état stratège est plus que jamais une nécessité: l’Etat doit se recentrer sur des actions régaliennes traditionnelles – justice, éducation, défense…- tout en se concevant aussi à la fois comme garant de la solidarité et de la justice sociale et comme le promoteur de politiques structurelles de long terme – politique industrielle, politique de l’aménagement du territoire …

Dans ce contexte, la social-démocratie ne doit pas avoir peur d’affirmer qu’elle est la gauche. Le socialisme demeure, aujourd’hui comme hier, une philosophie de la liberté pour tous, d’une liberté réelle qui donne à chacun une capacité d’agir, donc la capacité politique et la capacité économique. C’est la volonté de réduire les inégalités entre les personnes et les groupes sociaux, dans un souci permanent de justice sociale. Aujourd’hui comme hier, le socialisme n’a de sens que s’il a une visée internationaliste et prend en compte les besoins de l’humanité et des générations à venir. Ainsi, la question sociale et la question environnementale ne peuvent être actuellement qu’une seule et même question.

Les leçons à tirer de l’histoire du XXème siècle doivent être clairement explicites. L’éthique doit être une valeur cardinale; la fin ne justifie pas les moyens car la valeur morale de la fin se trouve aussi dans la valeur morale des moyens. Un socialisme qui ne serait pas moral, qui oublierait son ambition humaniste, n’a pas de sens. On ne peut donc pas mettre sur un même plan l’échec historique du communisme et les difficultés du socialisme démocratique. L’économie administrée n’est pas une alternative -le siècle écoulé l’a suffisamment démontré-. Dans l’état actuel de nos sociétés, une économie de marché demeure le meilleur mécanisme connu pour délivrer les informations et donner les stimulations nécessaires au dynamisme des échanges. Mais le capitalisme laissé à lui-même a provoqué l’accroissement des inégalités sociales et des atteintes à la nature. “Le marché est un mauvais maître mais un bon serviteur” disaient déjà les sociaux-démocrates des années 1930 !!!

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Le capitalisme contemporain, devenu essentiellement financier, dans une économie de marché mondialisée a tendance à prendre la valeur de l’action comme seul et unique critère d’efficacité, à l’exclusion de tout autre. Il en résulte un oubli du long terme, la quête du retour sur investissement le plus rapide, la marchandisation de la vie sociale et l’externalisation de tout ce qui peut l’être, y compris en termes sociaux et environnementaux. Cette situation est dangereuse et inacceptable.

Car dans cette période inquiétante, la seule certitude qui demeure et que la réalité confirme, est que la somme des intérêts individuels qui constitue le marché est incapable de définir et défendre l’intérêt général. Le projet social-démocrate moderne, tout en conservant l’efficacité de l’économie de marché, doit donc être de mettre en place les régulations nécessaires au niveau de l’entreprise, au niveau national, aux niveaux européen et mondial.

Si les politiques de redistribution sont nécessaires car répondant à une exigence sociale, il faut cependant tenir compte de la nature multiple des inégalités dans notre société et des aspirations des individus à une réelle autonomie. Etre solidaire des chômeurs et lutter contre la pauvreté suppose pour les uns, d’installer de puissants moyens de formation et de garantie de revenu, pour les autres, la mise en place d’un impôt négatif. L’éducation, la santé, le logement, la sécurité professionnelle demandent d’investir dans les services publics rénovés. Les biens publics fondamentaux relevant du service public- ce qui n’interdit pas d’utiliser les entreprises privées pour en assumer des réalisations à l’intérieur de cahiers des charges précis.

Mais le projet socialiste ne concerne pas seulement la production et la redistribution des richesses. Il a eu d’emblée l’ambition de désaliéner les hommes des contraintes diverses qui pèsent sur eux dans le travail, la vie sociale et culturelle. Conduire ainsi la transition écologique de nos sociétés demande de repenser nos modes de vie et de travail. Il faut tisser de nouvelles formes de solidarité, qui tirent parti des capacités des individus. Il faut sans doute aussi développer de nouvelles formes de relations avec la politique.

En un mot, le projet social-démocrate doit revivifier le pacte républicain et renforcer la cohésion sociale de la République.

La mondialisation reste cependant une donnée incontournable. Mais ce qui est en question c’est l’usage qui en est fait par les Etats. Pour aider à réguler le monde, il faut une base de puissance suffisante: l’Union Européenne répond à cette exigence, quelles que soient les difficultés actuelles et les oppositions politiques. Les socialistes doivent donc, plus jamais, continuer à porter un projet européen c’est à dire forger une vision politique, qui articule clairement ce qui doit être fait au niveau de la France et ce qui doit l’être au niveau européen. Le projet de civilisation que nous portons ne prend sa véritable dimension que dans et par l’unité européenne.

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Renoncer à l’Europe et céder à l’hydre du nationalisme seraient une formidable régression, comme si nous n’avions rien retenu de la funeste destinée de l’Europe alors que déflation, chômage, repli sur soi et bouc émissaire faisaient le lit du fascisme et du national –socialisme.

Nous ne pouvons plus attendre: le moment est venu d’oser un pas de plus vers la fédération des Etats-Unis. Nous avons commencé par le plus dur, la monnaie. Il nous faut maintenant l’union budgétaire. Il nous faut aussi un contrôle de l’appareil bureaucratique de Bruxelles, le rééquilibrage de la politique de l’Union vers la croissance et l’emploi et la fin de la toute-puissance de la seule politique de la concurrence. Le citoyen n’est pas qu’un consommateur !

Conscients que la mondialisation a été vécue comme le mal absolu et l’Union Européenne comme un rempart inefficace par nombre de concitoyens, les socialistes que nous sommes, doivent lutter contre la désaffection grandissante de la société française à l’égard de l’Europe Cette action passe d’abord par le rappel des succès passés de l’Europe qui est dès l’origine, un projet politique dont la dimension économique a été longtemps un succès, ne l’oublions pas !!!

Elle passe aussi par l’analyse lucide de la conjonction de facteurs qui ont plongé l’Union Européenne dans une crise profonde depuis plusieurs années: déséquilibre voire mésentente entre les deux piliers de la construction européenne, la France et l’Allemagne; absence de réactions coordonnées face à la nouvelle donne de la mondialisation; rupture de l’équilibre institutionnel au sein du mode de gouvernance de l’Union Européenne avec l’effacement spectaculaire de la méthode communautaire et du rôle de la Commission; enfin, triomphe depuis les années 80 du “tout marché” sur les “ politiques communes”, pourtant prévues par le traité de Rome.

La construction européenne ne peut être comparée à un vélo: si elle n’avance pas, c’est la chute. Et pour avancer, il faut une vision de l’avenir. Ce défi est donc par nature politique.

Les socialistes doivent donc promouvoir les pistes du renouveau européen. Ces pistes sont multiples:

– Redonner à la politique une place éminente en donnant à l’Europe un rôle majeur dans la gestion ou la prévention des risques collectifs internationaux et dans le combat pour la sauvegarde de la planète. L’Union Européenne doit ainsi devenir un interlocuteur privilégié des deux premières puissances mondiales que sont les Etats Unis et la Chine; un acteur respecté du dialogue avec la Russie de Vladimir Poutine et une force dans la lutte contre le terrorisme international dont la gravité ne peut tolérer une simple politique réactive au jour le jour. Une Europe unie et volontaire est aussi nécessaire dans la lutte contre la pollution, la hausse des températures et la préservation de la biodiversité.

– Développer des politiques communes qui soient perceptibles par les européens. Une des plus urgentes concerne la jeunesse européenne avec la lutte contre le chômage, le renforcement des programmes de mobilité et de formation des étudiants. Mais il y a aussi nécessité voire urgence de repenser ou relancer les politiques communes dans les domaines d’avenir comme ceux des nouvelles technologies, de la régulation d’Internet; de la recherche et de l’espace, de l’innovation …

– Réinventer la notion de solidarité sans la dissocier de celle de responsabilité. L’actualité depuis la victoire de la Gauche radicale en Grèce devrait permettre d’avancer sur ce sujet : Solidarité et responsabilité doivent être au cœur de la recherche de solutions sur la question de la dette grecque…

– Infléchir la politique conjoncturelle. Cette inflexion semble en cours sous l’impulsion de Mario Draghi et M.Junker: neutralité de la politique budgétaire en 2015; interprétation souple de la norme des 3%.; plan d’investissements de près de 300 milliards au profit de politiques industrielles, de programmes d’infrastructure et d’énergie … Mais ne faut-il pas aller plus loin et ne pas hésiter à prendre une certaine distance avec les traités ? Faire prévaloir l’urgence du moment sur le respect strict de la règle ? Ainsi, est-il pertinent de maintenir la limitation de la dette publique à 60 % – objectif inatteignable à moyen terme- alors qu’il y a menace de déflation et atonie persistante de la croissance? La bataille de la productivité et de l’investissement est décisive pour éviter le déclin économique, comme semble d’ailleurs l’avoir compris la commission Junker.

-Promouvoir globalement une approche plus pragmatique des problèmes actuels : des compromis sont en effet possibles et surtout nécessaires pour résoudre des problèmes pendants qui, non résolus, menaceront la construction et le développement de l’Union Européenne. Ce pragmatisme pourrait ainsi présider à la relance du dialogue au sein de la zone euro et impulser une plus grande intégration des pays volontaires. Ce pragmatisme pourrait aussi éviter de toujours s’en remettre à de futures modifications de traités, beaucoup trop lentes et incertaines, pour espérer répondre aux urgences du moment.

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Nous voyons donc ce qui peut et doit relier notre réflexion sur notre identité politique, notre action dans les politiques publiques nationales et européennes. Ce qui doit nous guider c’est la recherche de la cohérence afin d’offrir des repères aux français et une meilleure lisibilité de notre action.

Evitons les débats qui tournent à la cacophonie sans mettre en lumière les avancées offertes au plus grand nombre. Concentrons-nous sur les dossiers fondamentaux et épargnons-nous les annonces non suivies d’effets! Soyons pédagogiques et expliquons sans relâche le sens de nos actions et de notre combat pour l’Europe.

Gardons toujours à l’esprit que ce qui se joue aujourd’hui, c‘est la légitimité d’une social-démocratie adaptée aux défis de notre temps et donc in fine, la légitimité des socialistes à gouverner.

Ce sont là des choses difficiles à construire, faciles à détruire…