Génocide des Tutsis au Rwanda : la France n’est pas coupable

Avr 17, 2014 | Actualités | 0 commentaires

Petit-déjeuner très intéressant organisé hier matin par la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, sur la question du Rwanda, autour d’Hubert Védrine, ancien Secrétaire général de l’Elysée sous François Mitterrand et ancien Ministre des Affaires étrangères.

Les attaques récentes du Président rwandais Paul Kagamé contre la France ont relancé la polémique sur le fait que notre pays aurait pris part à la « préparation et à l’exécution du génocide ».

Comme les États-Unis, la Belgique, la Grande-Bretagne et surtout l’ONU, la France n’a pas réussi à empêcher le génocide, même si les responsables de l’époque, de gauche comme de droite, n’ont cessé d’entreprendre des efforts pour prévenir la spirale d’une guerre ethnique.
La mission d’information parlementaire de 1998, présidée par Paul Quilès, relevait certaines erreurs d’appréciation et certains dysfonctionnements dans la politique française. Hubert Védrine, secrétaire général de l’Élysée à l’époque, et Alain Juppé, alors ministre des affaires étrangères, reconnaissaient eux-mêmes ces manquements. Pour autant, il n’est pas possible de déclarer que la France soit coupable de ce génocide, alors que, de 1990 à 1994, notre pays a constamment privilégié une solution négociée à la crise rwandaise. Le Président François Mitterrand a exercé une pression continue sur son homologue rwandais pour qu’il favorise la réconciliation nationale, engage une négociation avec le FPR de Paul Kagamé et établisse un Etat de droit.

Sans soutenir en aucune façon le régime de Juvénal Habyarimana, la France a obtenu, en 1993, à Arusha, un accord de partage du pouvoir politique entre Hutus et Tutsis. Elle avait pour objectif de créer les conditions d’une paix durable entre Kigali et le FPR. La médiation française visait à stabiliser le Rwanda, à se désengager militairement de ce pays dont la sécurité était censée être assurée par une force d’interposition de l’ONU. C’est pourquoi les 700 soldats français avaient quitté le Rwanda en décembre 1993. Or, le dispositif international mis en place s’est avéré totalement impuissant, notamment en raison des réticences manifestées par les Américains, traumatisés par le récent désastre somalien, et par le mandat restrictif de l’opération onusienne.

Après l’attentat contre l’avion présidentiel rwandais, la priorité française a consisté à faire cesser les combats et les tueries, d’autant que la force onusienne avait entre-temps été réduite. Non seulement la France a imposé dès le 8 avril 1994 un embargo au Rwanda, mais c’est Alain Juppé qui fut le premier, le 15 mai, à qualifier de « génocide » les massacres de masse perpétrés contre les Tutsis et les Hutus modérés. Quant à l’opération Turquoise, lancée par la France le 22 juin, elle a répondu à une demande urgente de l’ONU qui, devant l’obstruction américaine, avait été incapable de dépêcher sur place 5000 casques bleus. L’opération Turquoise, qui avait pour but de protéger les populations menacées mais pas d’arrêter les génocidaires, est parvenue à sauver des milliers de vies.

Le génocide rwandais nous interpelle tous. Il a mis en évidence de graves défaillances de la communauté internationale, l’extrémisme du pouvoir hutu, l’intransigeance du FPR, l’activisme dangereux de l’Ouganda.
Et plutôt que de stigmatiser la France, le Président Kagamé devrait donner la priorité absolue à une réconciliation nationale et à une plus grande ouverture internationale en faveur du développement.