Michel Destot, député-maire de Grenoble proche de DSK, et ses amis anciens rocardiens ont décidé de soutenir la candidature de Martine Aubry à la primaire socialiste. Il explique les raisons de ce choix au JDD.fr.
Votre décision était attendue. Avez-vous hésité avant de rejoindre Martine Aubry?
Disons que nous avons longuement réfléchi, car nous voulions adopter une position collective. C’était très important pour moi que nous cheminions tous ensemble. Nous avons beaucoup travaillé, beaucoup débattu depuis des mois, puis le drame de New York a fait que nous avons dû changer notre perspective. Nous avons rencontré Martine Aubry et François Hollande plusieurs fois pour discuter de leurs positions et de leurs lignes politiques. Et nous leur avons exposé nos convictions : la construction d’une gouvernance européenne, un équilibre entre une économie performante, des déficits limités, une fiscalité plus juste, une société plus solidaire. Ils étaient tous les deux d’accord avec nous sur ces sujets.
Qu’est-ce qui a fait pencher la balance, sachant que le courant social démocrate incarné par DSK semblait plus proche de la ligne Hollande?
Sur le plan personnel, nous n’avons aucun souci avec ces deux candidats. J’ai moi-même beaucoup d’estime pour François Hollande. Je vous rappelle que notre association Inventer à gauche a publié une tribune dans Le Monde dans laquelle nous exposions publiquement notre position. Martine comme François n’ont rien trouvé à redire à cette tribune. Simplement, Martine Aubry, en tant que première secrétaire du PS, nous semble davantage en situation de l’emporter en rassemblant toutes les composantes de la gauche.
C’est donc un choix réaliste plus qu’idéologique?
C’est un choix réaliste qui répond à une logique de dynamique. Vous vous doutez bien que nous ne nous sommes pas appuyés sur les sondages pour faire notre choix. Martine Aubry a un profil, une histoire personnelle, et un bilan à la tête du Parti qui nous poussent à croire qu’elle est la plus à même de l’emporter. Son parcours municipal est également très important car s’appuyer sur les élus sera essentiel. C’est ce que Mitterrand avait très bien fait en 1981, et cela avait créé une vraie dynamique dans le pays. Si François Hollande avait été le mieux placé, nous nous serions rangé derrière lui sans aucun souci. Mais j’ai le sentiment qu’en le rejoignant aujourd’hui, nous n’aurions été qu’un nom de plus sur une liste. Or, nous ne sommes pas dans le cadre d’un Congrès socialiste, la nuance est d’importance. Nous sommes dans une logique présidentielle, et il faut donc aller au-delà des sympathisants socialistes.
Votre prise de position arrive quelques jours après celle de Jean-Christophe Cambadélis. On a le sentiment que les strauss-kanhiens ont fait leur choix. Qu’avez vous envie de dire à Pierre Moscovici, le dernier hésitant?
J’ai envie de lui dire que la dynamique présidentielle suppose que nous soyons tous rassemblés. Vous ne m’entendrez jamais critiquer un autre candidat, mais je pense que l’union est la meilleure des solutions pour l’emporter. Pierre Moscovici a dit qu’il allait se prononcer la semaine prochaine. Pour le moment, il réfléchit, il consulte. C’est un être de raison, doublé d’un homme intelligent. Il fera donc le meilleur choix pour le PS…
Qu’attendez-vous de la déclaration de candidature de Martine Aubry?
Je souhaite qu’elle fasse une annonce politique, qu’elle assure que le combat qui s’annonce est un combat de rassemblement, et non un combat interne. Il faut qu’elle donne également, déjà, les grandes lignes de ses orientations politiques. Je vous rappelle que cette primaire est ouverte à tous les Français, il ne faut pas l’oublier. Elle devra donc s’adresser à tous les électeurs, et à tous les dirigeants politiques. Elle doit être dans une logique présidentielle, je me répète.
Une primaire qui est attaquée de toutes parts par la majorité…
Cette polémique est complètement folle! J’entends des responsables politiques dire que des maires vont truander des fichiers à des fins politiciennes, c’est tout simplement ridicule. Je lis que Nicolas Sarkozy va se rendre mardi chez François Fillon, dans la Sarthe, pour court-circuiter médiatiquement l’annonce de la candidature de Martine Aubry. Est-ce cela le rôle d’un chef de l’Etat? C’est très petit. Le président est là pour tirer le pays vers le haut, pas pour le diviser, or c’est ce qui se produit. Je me rappellerais longtemps de son discours prononcé dans ma ville de Grenoble…
Vous la craignez cette campagne?
Je ne devrais pas, mais je regrette que cela parte sur ces bases-là. Ce n’est pas ce que les Français attendent. Les gens désespèrent de l’avenir, il y a un éloignement des responsables politiques, économiques et médiatiques. Il faut redonner de l’espoir, de la confiance. Tout ce qui tire vers le populisme ne va pas dans le bon sens.
On a longtemps dit que Martine Aubry était hésitante à se lancer dans la bataille. Vous la pensez donc capable de faire front dans cette campagne?
C’est une femme entière, avec des valeurs fortes, et elle se battra pour les faire respecter, je n’ai aucun doute là dessus. Elle était initialement derrière DSK. Ils avaient beaucoup échangé et elle souhaitait qu’il soit candidat. Pour autant, elle a quand même toujours eu dans un coin de sa tête cette possibilité d’être candidate. On ne s’engage pas dans une campagne présidentielle à la légère! Elle a mûri dans sa réflexion, elle a consulté, et on peut comprendre qu’elle ait pris son temps. C’est d’autant plus vrai qu’elle a toujours dit qu’elle respecterait le calendrier adopté.