RDV avec Philippe Richert, Ministre en charge des collectivités territoriales

Mar 1, 2012 | Actualités | 0 commentaires

Il y a quelques jours, avec mon collègue Maurice Vincent, Sénateur-Maire de Saint-Etienne, j’ai rencontré Philippe Richert, Ministre en charge des collectivités territoriales. Ce dernier s’est voulu résolument optimiste sur les deux principaux points à l’ordre du jour de notre rencontre : le financement des investissements des collectivités locales en 2012 et la question des emprunts toxiques que portent actuellement les collectivités.

D’entrée de jeu, le ministre s’est fait l’écho de la réunion de l’avant-veille entre les banques et le gouvernement au terme de laquelle a été indiqué que « l’ensemble du secteur bancaire en France apportera en 2012 environ 10 milliards d’euros de crédits nouveaux aux collectivités locales ». Le ministre a ensuite confirmé que, s’agissant de l’enveloppe mobilisée sur fonds d’épargne gérés par la Caisse des dépôts (CDC), il convenait de retenir la borne haute du montant annoncé par le Premier ministre, François Fillon, le 10 février, soit 5 milliards d’euros. Enfin, il a indiqué que la remise sur les rails du chantier de construction de la nouvelle banque dédiée au financement des investissements des collectivités (65 % La Banque Postale, 35% CDC) permettrait de mettre à disposition des collectivités 2 milliards de crédits dès 2012. Ainsi, il a invité les représentants des grandes villes à considérer que la couverture des besoins de l’année serait assurée.

Tout en me félicitant des avancées survenues ces dernières semaines et en remerciant Philippe Richert d’avoir été, au sein du gouvernement, le porte parole des inquiétudes des élus locaux à l’égard du financement des investissements, j’ai souligné que le contexte demeurait malgré tout incertain pour les élus, et ce pour trois raisons.

La première tient à ce que, même avec l’hypothèse d’une couverture globale des besoins, demeurent :
– des inégalités de répartition géographique de l’offre nationale (du fait d’une large décentralisation de gestion financière, les caisses des banques mutualistes ont des politiques commerciales très différentes d’une région à l’autre) ;
– une inadaptation des durées (l’offre pour des durées supérieures à 20 ans a disparu et les enveloppes de financements spécialisées, telles que celles existantes au bénéfice des transports en commun en site propre (TCSP) ou de la rénovation urbaine – CDC ou BEI (Banque Européenne d’Investissement) -, sont désormais très largement consommées.

La deuxième découle du fait que si l’écart entre l’offre et la demande est plutôt réévalué à la baisse, c’est, ainsi que l’indiquait lui-même le ministre, également du fait « d’une diminution des perspectives d’investissements des collectivités », conduisant à une estimation des besoins désormais plus proche de 17 que de 18 milliards d’euros pour 2012.
Pour autant, eu égard au fait que les collectivités en France financent 71 % de l’investissement public et remplis¬sent 50 % du carnet de commandes des entreprises de travaux publics, il n’est pas certain qu’il faille se féliciter de la baisse de la demande !

La troisième raison du manque de sérénité des élus est relative à 2013. En effet, en l’absence d’une nouvelle mobilisation des fonds d’épargne, laquelle a vocation à rester « exceptionnelle », et sachant qu’il a été confirmé que la production visée en rythme de croisière serait de 5 à 6 milliards d’euros par an, le spectre du “credit crunch“ n’apparaît pas durablement éloigné.

La mise en place d’une Agence publique de financement

Aux yeux de l’AMGVF, ce contexte plaide pour la mise en place rapide de l’Agence publique des investissements locaux, instrument de diversité des réponses, seul moyen d’assurer la pérennité de la liquidité. Lors de la rencontre du 22 février, le ministre a confirmé que le rapport du gouvernement, qui devait être remis le 15 février en application de l’article 109 de la loi de finances pour 2012(1), « serait bien remis avant la fin de la session parlementaire ».
En tout état de cause, il est désormais malheureusement acté que l’Agence ne pourra être une réponse opérationnelle avant la fin de l’année et c’est la raison pour laquelle, étant donné que les incertitudes relatives à la volumétrie des crédits effectivement disponibles au second semestre ne sont pas totalement levées, la commission « Finances » AMGVF-ACUF, réunie le 24 janvier dernier, a souhaité que soit étudiée la possibilité de procéder à une émission obligataire groupée.

Vers une émission obligataire groupée

Une première photographie de l’appétence des adhérents vient d’être effectuée. Nonobstant la lourdeur intrinsèque au process obligataire, il en ressort une large manifestation d’intérêt des grandes villes et grandes agglomérations puisque 15 grandes villes et 23 grandes communautés ont exprimé leur intérêt pour un total de 584 millions d’euros.

Deux questions essentielles sur les crédits toxiques

Second point à l’ordre du jour de la rencontre avec Philippe Richert : le dossier des crédits toxiques. Deux questions principales ont été posées au ministre :
– dès lors que l’Etat rentre directement au capital de « Dexia », organisme qui porte la majorité des crédits toxiques, est-il légitime de penser que l’on puisse se diriger vers une évolution de l’approche du traitement des dossiers ?
– dès lors que l’insuffisance de la « médiation Gissler » fait consensus, le gouvernement envisage t-il de reprendre à son compte tout ou partie des propositions du rapport « Bartolone » ? Envisage-t-il une initiative relative au stock de crédits toxiques ?

S’il n’a pas nié l’intérêt que pourrait avoir la mise en place d’un « Pôle d’assistance et de transaction » préconisé par la commission « Bartolone », le ministre a donné le sentiment de chercher à minimiser les enjeux de ce dossier et de gagner du temps. D’où le ressenti qu’a résumé en ces termes Maurice Vincent, à l’issue de la réunion : « faudra-t-il voir exploser les contentieux, les investissements se réduire à nouveau, pour que le gouvernement mette autour d’une table les acteurs concernés pour faire face, sur plusieurs années, aux 15 milliards d’euros que va sans doute coûter cette affaire ? »

On notera qu’en écho à cette perception de persistance de l’inaction des pouvoirs publics à ce sujet, les députés membres de la « Commission d’enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux », appartenant tant aux bancs de la majorité que de l’opposition, ont souhaité traduire les propositions formulées dans leur rapport de décembre dernier dans une proposition de loi « relative au développement, à l’encadrement et à la transparence des modes de financement des investissements des acteurs publics locaux ».