Commémorations de la remise de la Croix de la Libération à la ville de Grenoble

Nov 6, 2012 | 3e circonscription, Actualités, Mes invités | 0 commentaires

Ce lundi 5 novembre, j’ai participé aux commémorations de la remise de la Croix de la Libération à la ville de Grenoble. Après le dépôt de gerbe symbolique devant la plaque des 13 compagnons de la Libération de l’Isère au parc Paul Mistral, en présence notamment du Colonel Moore, Chancelier de l’Ordre de la Libération, j’ai remis la Grande Médaille d’Or de la Ville à Loïc Le Bastard, Secrétaire Général de l’Ordre de la Libération qui va prochainement quitter ses fonctions et sera remplacé par Jean-Paul Roux, ancien adjoint à la ville de Grenoble.

Ces commémorations, qui constituent toujours un moment très fort pour moi, se sont poursuivies toute la journée avec la diffusion d’un film sur les cinq communes « Compagnon de la Libération », la présentation du livre « la Flamme de la Résistance » et une cérémonie au Mémorial des Troupes de Montagne au Mont Jalla.

 Je vous propose de découvrir le discours que j’ai prononcé à l’occasion de ce 68e anniversaire de la Croix de la Libération :

Monsieur le Secrétaire général représentant le préfet de l’Isère,

Monsieur le chancelier de l’Ordre de la Libération,

Monsieur le secrétaire général de l’Ordre,

Madame la vice-présidente du Conseil général,

Monsieur le Recteur,

Messieurs les représentants des communes compagnon de la Libération, Vassieux en Vercors et l’Ile de Sein,

Mon général commandant la 27ème brigade d’infanterie de montagne,

Monsieur le directeur départemental de l’ONAC,

Monsieur le Délégué pour l’ordre de la Fondation de la France Libre, Philippe Blanc,

Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs les présidents d’associations de résistants et anciens combattants,

Mesdames et Messieurs,

Chers amis, chers Grenoblois,

 Il y a 68 ans jour pour jour, et dans une atmosphère de liesse populaire, mon prédécesseur Frédéric LAFLEUR recevait des mains du général de GAULLE la croix de la Libération décernée à notre ville.

Le chef de la France combattante, devenu président du gouvernement provisoire, nous remettait une décoration qu’il nous avait attribuée avant même la libération du pays. Notre citation à l’ordre de la Libération rappelait en effet avec raison que Grenoble avait été « à la pointe de la Résistance française et du combat pour la Libération », qu’elle avait « livré une lutte acharnée de tous les instants », qu’elle avait « manifesté la certitude de la victoire et sa volonté d’y prendre part ». En somme, concluait le général, que Grenoble « avait bien mérité de la patrie ».

 Il est inutile d’évoquer devant cette assemblée tout ce par quoi Grenoble s’est alors distingué. Le film qui va nous être présenté et l’ouvrage sur les communes compagnon présenté ici en avant-première le détailleront mieux que je n’en ai le temps ce matin. Le succès de l’armée des Alpes à Voreppe, le refus de 5 parlementaires isérois de voter les pleins pouvoirs à PETAIN, la lettre du doyen GOSSE pour dire au chef de ce nouvel Etat qu’il serait un jour jugé pour trahison,  le noyautage des administrations par la Résistance, la fondation du mouvement COMBAT au domicile de Marie REYNOARD, l’action des groupes francs, le rayonnement national du réseau Reims-Coty basé dans notre ville, nos liens avec les maquisards qui valurent à Grenoble le titre de capitale des maquis proclamée par Radio-Londres, tout cela est connu, et disons-le sans fard, tout cela est pour nous un aussi grand motif de fierté que la journée des Tuiles, qui fut le prélude de la Révolution française. 1000 résistants tués, 1000 disparus, 1000 déportés pour faits de résistance, ce lourd bilan est plus éloquent qu’un long discours.

 On me permettra cependant de mettre en exergue un instant les trois événements mentionnés par le général de GAULLE dans notre citation car ils sont tous porteurs d’un message encore aujourd’hui d’actualité.

Tout d’abord, la manifestation du 11 novembre 1943. C’est le premier 11 novembre depuis l’arrivée des troupes allemandes. L’occupant veut en interdire la célébration mais les Grenoblois n’acceptent pas cette marque de servitude. La grève interdite est quasi-générale. Dans la matinée les commerces baissent leurs rideaux. La foule se rassemble à l’appel de la Résistance. Elle défilera jusqu’au monument des diables bleus. La répression sera impitoyable. 600 personnes sont arrêtées, dont 400 déportées, beaucoup ne reviendront pas. Il y eut peu d’actes de courage aussi inouïs durant l’Occupation. On pense au défilé des étudiants sur les Champs-Elysées le 11 novembre 1940. On pense aussi au 11 novembre 1943 – le même jour – organisé par les maquis à Oyonnax. On cherche en vain d’autres exemples qui frappèrent autant les esprits. Mais on se souvient, soixante-neuf ans plus tard, que les défilés de Grenoble et d’Oyonnax frappèrent les esprits, faisant dire à Winston CHURCHILL qu’il allait désormais armer la Résistance française par des parachutages et incitant enfin le président ROOSEVELT à reconnaître la France combattante parmi les puissances alliées. L’enseignement à tirer du 11 novembre 1943, c’est le caractère populaire de la résistance dans notre ville et la faculté de renverser le cours des choses d’un peuple voulant demeurer le maître de son destin.

Le deuxième événement qu’il me revient d’évoquer est l’explosion du polygone d’artillerie deux jours plus tard. Aimé REQUET, adjoint du capitaine NAL devenu chef des groupes francs, le fait sauter pour détruire l’armement allemand dans notre ville. La BBC dira que cette explosion a causé plus de dégâts à l’occupant qu’un bombardement allié. Cette opération a été montée par la résistance grenobloise. Une armée de l’ombre qui réunit militaires et civils, Français de droite et Français de gauche. L’enseignement à en tirer est simple : il est celui de la nécessaire concorde de nos compatriotes lorsqu’il s’agit d’aller à l’essentiel pour l’intérêt général et pour la patrie. Puissions-nous toujours nous en inspirer pour rejeter les polémiques stériles et ne nous en tenir qu’à des débats sincères engageant véritablement notre avenir.

 Le troisième événement cité par le général de GAULLE interviendra dans un contexte beaucoup plus dramatique, juste après la Saint-Barthélémy grenobloise, qui aura vu disparaître en quelques jours la plupart des chefs des mouvements de Résistance dans notre ville. Ce troisième événement, c’est l’explosion le 2 décembre de la caserne de Bonne, qui était le dernier arsenal allemand à Grenoble. Un homme seul l’a exécuté, en lien avec les groupes francs.  Il s’appelle Aloyzi KOSPICKI. C’est un polonais engagé de force dans la Wehrmacht. Son acte s’impose comme une revanche après la Saint-Barthélémy : il donne le dernier mot à la Résistance. Aloyzi KOSPICKI ne reverra jamais son pays natal. Il n’aura pas le temps de devenir français comme le devinrent d’autres déserteurs de la Wehrmacht rejoignant les maquis de l’Oisans (vous voyez, monsieur le chancelier, que l’esprit de la liberté soufflait bruyamment dans nos contrées !) Ayant rejoint les maquis il meurt à Domène dans les combats de la Libération. J’ai tenu à perpétuer sa mémoire en donnant son nom à une rue, même si, comme l’écrivait Louis ARAGON des compagnons de MANOUKIAN, « à prononcer son nom est difficile ». KOSPICKI, lui, nous rappelle l’apport des étrangers à la Résistance, avec la MOÏ, dans les maquis, dans la 2ème Division Blindée libérant Paris.  Il nous rappelle bien sûr aussi la vocation cosmopolite de notre ville et son humanisme, qui nous font refuser toute forme de xénophobie, de racisme, d’antisémitisme et d’intolérance. Mais il symbolise également, lui l’étranger mort pour la France, la vocation universelle de notre pays : la France n’est véritablement elle-même que lorsqu’elle s’ouvre aux autres, lorsqu’elle est la France de la Marseillaise chantée par le printemps des peuples en 1848, la France dont on disait dans les pays d’Europe de l’Est : « Heureux comme Dieu en France ». En ces temps troublés où la crise économique – et plus grave encore une crise d’identité et une crise morale  – font se lever dans notre pays la peur de l’autre, le repli sur une identité refusant le monde qui change, les préjugés contre tel ou tel groupe, contre l’une ou l’autre (mais plutôt l’une que l’autre) des confessions présentes dans notre société, je crois qu’il est bon de se souvenir que la France a toujours été un creuset où des hommes et des femmes de tous horizons se sont inventé un destin commun. La mémoire d’Aloizi KOSPICKI n’est pas inutile à cette fin.

Grenoble a hérité de tous ces faits d’armes, qui nous ont valu la croix de la Libération, l’exigence de perpétuer le message de la Résistance. Nous le faisons avec nos villes amies, dont nous recevons toujours avec grand plaisir les représentants le 5 novembre. Aux côtés des 1038 personnes et des 18 unités militaires distinguées par le général de GAULLE, 5 communes ont reçu en effet l’honneur d’être compagnon. : Paris, Nantes, l’Ile de Sein, Vassieux en Vercors et Grenoble.

Nos cinq communes ont signé en 1981 un pacte d’amitié depuis lequel nous travaillons de concert pour le devoir de mémoire – en bonne relation, cela va sans dire, avec l’Ordre de la Libération. Je crois pouvoir dire que nous avons développé dans le cadre de l’association formée par les 5 communes des relations de confiance et d’amitié qui se sont trouvées confortées au fil des ans par la qualité des liens personnels qui se sont noués entre nous en faisant fi de tous les clivages partisans.  Cette excellence a été reconnue par l’Etat. Avec la disparition progressive des Compagnons, la question de la pérennité de l’Ordre s’est posée dès les années 1990.  Les unités militaires étant sujettes à dissolution, seules les 5 communes étaient en mesure d’en reprendre le flambeau. C’est pourquoi la loi du 26 mai 1999, adoptée à l’unanimité, avait décidé de créer le conseil national des communes compagnon pour se substituer à l’Ordre de la libération. Au début de l’année j’ai présenté avec Bernard ACCOYER, qui présidait l’Assemblée, une proposition de loi précisant les modalités et la date de ce passage de flambeau. Elle a été adoptée elle aussi à l’unanimité. Elle entrera en vigueur le 16 de ce mois, à l’occasion d’une belle cérémonie à Paris où nous nous retrouverons tous. Les maires signataires du pacte de 1981 y sont invités. J’espère que l’état de santé du président Jacques CHIRAC lui permettra d’être des nôtres car en tant que maire de Paris puis chef de l’Etat il a beaucoup et bien œuvré pour le devoir de mémoire. J’aurai pour ma part une pensée pour mon prédécesseur Hubert DUBEDOUT, qui fut le signataire  grenoblois de ce pacte d’amitié et qui se serait réjoui de voir l’aboutissement de cette démarche. Le passage au conseil des communes se fera dans la continuité de l’œuvre entreprise par l’ordre de la Libération.

Nous allons associer les unités militaires récipiendaires de la Croix de la Libération. Mais nous comptons surtout sur les compagnons encore en vie et qui seront tous membres du conseil d’administration du conseil national des communes. C’est à eux que nous devons d’avoir vu la France se maintenir dans la guerre et dans l’honneur. Ce sont eux qui méritent la gratitude et l’admiration de la patrie. Symbole de cette transition en douceur : le dernier chancelier de l’Ordre de la Libération sera notre premier délégué national du conseil des communes compagnon de la Libération. Nous vous en remercions chaleureusement monsieur le chancelier : qui mieux qu’un français libre de 1940 pouvait démontrer la pérennité de l’Ordre de la Libération dans la nouvelle forme qu’il prendra dans quelques jours ? Les communes assumeront cependant d’ores et déjà leurs compétences avec le nouveau secrétaire général. Mesdames et Messieurs, j’ai le plaisir de vous annoncer qu’il s’agira de Jean-Paul ROUX. Le secrétaire général est la cheville ouvrière qui fait vivre cette institution.  La nomination de l’un des nôtres à cette fonction stratégique constitue la pleine reconnaissance de notre action ; pas seulement celle de Grenoble bien sûr, mais celles des cinq communes qui ont obtenu de procéder à cette désignation et se sont mises d’accord sur la candidature de Jean-Paul ROUX, qui participait aux travaux de l’association des communes depuis longtemps. Ceci dit Jean-Paul, en tant que Grenoblois, nous sommes très fiers de ce choix. Nous savons ici que tu as toutes les qualités requises pour réussir dans cette tâche. Et des qualités il en faudra pour succéder à Loïc LE BASTARD !

 Le colonel LE BASTARD auquel je veux rendre un hommage particulier aujourd’hui car c’est la dernière fois que nous le recevons en tant que secrétaire général de l’Ordre même si nous comptons bien l’y revoir très souvent en ami.

Mon colonel, vous avez été un secrétaire général dynamique, rigoureux, ouvert aux autres, passionné par vos missions. Je n’ai jamais entendu que du bien de vous à Paris et dans nos communes. Vous avez su vous faire apprécier de tous. Pour notre part, communes compagnon de la Libération, nous avons toujours été touchés par votre disponibilité à notre égard.

Vous n’avez jamais considéré les élus comme des intrus dans ce cénacle de héros, au contraire vous avez vu en nous les dépositaires de la mémoire pour la transmettre aux générations futures. Vous n’avez jamais manqué à Grenoble à l’occasion des anniversaires de notre Croix de la Libération. Nous avons travaillé avec vous tout au long de ces années dans le cadre de l’association des communes. Au moment où vous transmettez le flambeau à Jean-Paul ROUX, j’ai voulu marquer par un geste symbolique la reconnaissance et l’amitié de Grenoble à votre égard. C’est pourquoi j’aurai le plaisir dans un instant de vous remettre la grande médaille d’or de notre ville.

 Et après avoir souhaité que vivent le prochain conseil national des communes, le souvenir des Compagnons, la mémoire et le message de la Résistance et de la France libre.

Que vivent la République et la France

C’est à vous que je demande à l’assistance d’adresser à présent des applaudissements si mérités.