A qui appartient l’héritage de Jaurès ? C’est le débat auquel on pouvait s’attendre, au moment où la France s’apprête à célébrer le centenaire de sa mort. Force est de constater que nous n’y avons pas échappé au vu des communiqués de presse et des déclarations en tous genres qui fleurissent sur les réseaux sociaux.
Socialiste et humaniste, tout le monde en convient, pacifiste, c’est un fait historique.
Un esprit de l’évolution révolutionnaire, un patriote engagé, un républicain accompli…autant de qualificatifs et bien d’autres encore, peuvent justement définir Jaurès. Mais cela laisse-t-il le droit à certains héritiers récemment autoproclamés d’usurper sa mémoire ? Laissons Jaurès en son temps, c’est-à-dire au début du 20e siècle, dans une France rurale, engagée dans la seconde révolution industrielle, imprégnée par les consciences de classes, tiraillée par les tensions nationalistes, une France dans un monde qui n’est pas encore globalisé, bref, un temps et des enjeux politiques différents. Nous devons aussi nous rappeler qu’il n’était pas exempt de contradictions : il était laïc et pieux, socialiste mais en même temps déférant à l’égard du talent du patronat dont il parlait d’ailleurs des difficultés à affronter les marchés. Personne n’a le monopole de l’interprétation ni le monopole du culte de Jaurès, car cela revient à usurper sa mémoire. Or ce n’est qu’avec la mémoire du passé justement honorée que l’on fait l’avenir.
Ce qui transcende le temporel, ce sont les valeurs. Et ce que je retiens pour ma part de Jaurès c’est sa définition du courage, justement décrite dans « Le discours à la Jeunesse » (Albi 1903). Je citerais quelques mots qui continuent à guider mon action : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques ».
