Rapport thématique « Inventer à Gauche » 2/4 : Education

Nov 12, 2016 | A l'assemblée, Publications et interventions, Social | 0 commentaires

rapport_thematique_afficheAlors que se tenait cette semaine (mardi 8 novembre 2016) le séminaire de mon club de réflexion Inventer à Gauche, retrouvez en ligne les synthèses des rapports thématiques des quatre groupes environnement, éducation, compétitivité et Europe.

Lire ici le rapport sur la thématique de l’Education :

Rapport Education – Perspectives pour un second quinquennat de gauche sur l’Ecole

A – Le bilan

Les dix années de pouvoir de la droite (2002-2012) ont laissé l’Ecole exsangue : suppression de 60 000 postes d’enseignants, suppression de la formation initiale des instituteurs et professeurs ; échec de la lutte contre le décrochage scolaire ; aggravation des inégalités scolaires et surtout incapacité à prendre des mesures à même de compenser les inégalités nées du statut social ; relative stagnation du budget des universités…

L’Acte 1 de la refondation de l’Ecole engagé dès mai 2012 a affirmé que l’éducation est le premier projet, le premier budget et la priorité fondamentale de la gauche au pouvoir. Car traiter de l’Education c’est s’occuper de la jeunesse, c’est-à-dire de l’avenir de notre nation. L’Acte 2 de la refondation pour le prochain quinquennat s’intègrera dans cette perspective.

Le bilan de l’Acte 1 de la refondation est positif. Il montre des avancées certaines tandis que d’autres sont en cours de réalisation.

L’école maternelle, l’école primaire et le collège ont été au cœur de l’effort entrepris dès 2012 : partant de l’idée que tout se jouait dès les premières années de scolarité. La formation initiale des enseignants a été rétablie et 60 000 postes ont été recréés progressivement :

  • Au plan pédagogique, des cycles d’enseignement cohérents ont été mis en place, en instituant notamment la maternelle en un cycle propre, et en reliant la dernière année au cycle de l’école primaire tandis que les deux années du cours moyen sont reliées dans un continuum cohérent à la première année de collège ;
  • Des moyens accrus ont été mis en place dans le cadre du système « plus de maitres que de classe » afin de s’attaquer le plus en amont possible, aux difficultés rencontrées par certains enfants ;
  • Enfin, les rythmes scolaires ont été revus afin d’alléger la journée de travail dans le primaire et d’offrir dans le temps libéré des activités culturelles et d’éveil à tous ;
  • La transmission des valeurs de la république a fait l’objet d’une attention particulière avec la mise en place d’un enseignement moral et civique et d’une Charte pour la laïcité dans les établissements ;
  • La lutte contre le décrochage scolaire a fait l’objet de mesures spécifiques qui ont fait chuter le nombre de décrocheurs annuels de 150 000 en 2012 à près de 110 000 aujourd’hui ;

Ces actions se sont inscrites dans une vision large de la place et du rôle de l’Ecole dans la société : ainsi la recherche de synergies avec les partenaires locaux (collectivités locales, associations d’éducation populaire…) a été recherchée dans le cadre des Projets éducatifs territoriaux ; la Charte nationale de la Réussite Educative quant à elle, a rappelé la nécessaire communauté d’action de l’Ecole et des familles.

Ces actions se poursuivent aujourd’hui avec la réforme du collège et la refonte du socle de connaissances et de compétences. Elles sont déterminantes pour donner toute son efficacité à la scolarité obligatoire.

Mais toutes n’ont pas encore pu donner de résultats suffisamment probants. Ainsi :

  • Les questions liées à la carte scolaire et à l’éducation prioritaire restent en suspens. Avec elles, perdurent les interrogations sur la capacité de notre système scolaire à atténuer les inégalités sociales et culturelles d’origine et à favoriser plus fortement la mixité sociale au sein des établissements ;
  • La réforme du collège mise en place en 2016 avec notamment le décloisonnement entre les disciplines, l’enseignement plus précoce des langues étrangères et une plus grande autonomie des établissements doit être poursuivie, évaluée et complétée pour apporter des réponses efficaces au problème de l’échec au collège.
  • La lutte contre le décrochage scolaire doit être renforcée ;
  • La formation des maitres est encore trop universitaire et les modalités de leur affectation sont à revoir (afin notamment de placer en zones difficiles les professeurs les plus expérimentés ?)

Ce constat doit servir à guider la politique qui pourrait être menée lors du second quinquennat.

B – Perspectives

I – Promouvoir une école de la réussite et contribuer à l’égalité sociale

Si le nombre d’élèves qui décrochent du système scolaire a un peu diminué ces dernières années, il reste encore très important, surtout si on le compare à celui d’autres pays européens.

Dans la population des 15-24 ans, on constate en 2011 (recensement) que 35 % ne sont pas scolarisés. Parmi ceux-ci, 25 % n’ont aucun diplôme, donc moins de chance de trouver un emploi. Ils sont 685 000. La plupart ont « décroché » durant leur scolarité à un moment ou à un autre. En regardant de plus près, on voit que le décrochage commence dès l’entrée au collège. Le niveau en français et surtout en maths à l’entrée en 6e est déterminant pour la suite du parcours scolaire. La moitié des « décocheurs » ont un niveau trop faible en 6e. C’est donc dès la maternelle et l’école primaire qu’il faut agir, avec un suivi personnalisé et des modes de remédiation mieux adaptés. L’outil numérique peut y contribuer.

Mais cela ne suffit pas. Le décrochage peut se produire au cours des années de collège, puis en fonction de l’orientation. Ainsi pour les élèves qui préparent un CAP, 20 % arrêtent leurs études après la première année. Le collège demande donc une année de mise à niveau dès la 6e avec des équipes pédagogiques suffisamment soudées et un traitement différencié selon les lacunes à combler. L’adaptation à des publics différents selon les territoires et les origines sociales demande une plus grande souplesse à l’intérieur des établissements, donc une autonomie suffisante sous la conduite du chef d’établissement ainsi qu’une coordination à l’amont (vers le primaire) et à l’aval (vers le lycée). C’est dans cet esprit que doivent évoluer les zones d’éducation prioritaire.

Le décrochage scolaire concerne davantage les jeunes issus de milieux populaires : 25 % des enfants d’ouvriers contre 6 % pour les enfants de cadres ou assimilés. Les enfants d’immigrés sont encore plus concernés (sachant que beaucoup réussissent aussi bien que d’autres). Ce qui se joue, ce n’est pas seulement la catégorie sociale, mais tout autant le territoire et l’habitat. L’important est d’éviter la ségrégation, les zones de relégation, ce qui concerne le milieu rural comme le milieu urbain.

Il faut poursuivre l’effort engagé pour une mixité sociale. La carte scolaire doit dessiner un véritable réseau éducatif. Une concertation locale avec l’enseignement privé doit également permettre d’éviter un partage selon les ressources des familles.

Dans la lutte contre le décrochage scolaire, l’enseignement professionnel – en lycée ou en CFA – a toute sa place. Il ne doit pas jouer un rôle de déversoir, mais au contraire, contribuer à la réussite scolaire à travers une orientation positive. Il faut s’appuyer sur la motivation des élèves pour un choix qui corresponde à leurs goûts tout autant qu’à leurs capacités. C’est un choix qui se prépare dès le collège pour une première étape, puis au lycée ensuite, pour aller au-delà du bac. C’est un choix de formation initiale. Il faut le situer dans le cadre d’une formation tout au long de la vie. La formation permanente est un moyen de contribuer à l’égalité sociale : elle a toute sa place dans le compte personnel d’activité. Elle peut d’ailleurs s’appuyer sur des formules innovantes telles que celle d’un crédit formation.

 II – Assurer l’accès de tous les jeunes à la culture et au travail

 On peut retenir les trois finalités de l’école énoncées récemment par France-Stratégie :

  • Préparer les élèves au monde professionnel
  • Accomplir leur personnalité
  • Transmettre une culture commune

Si l’on considère l’enseignement donné aux différentes étapes, on peut émettre diverses propositions qui contribueraient à faire évoluer l’école dans ce sens :

De 11 à 15 ans :

Le collège est unique parce qu’il reçoit tous les élèves jusqu’à la fin de leur scolarité obligatoire. Pour autant il doit permettre une différenciation progressive sans jugement de valeur, non par des filières sélectives, mais par une personnalisation de la pédagogie. A cette fin il importe de ne plus le considérer comme un « petit lycée ». La 6ème devrait s’articuler avec la fin de l’école primaire en un même cycle : c’est un cours moyen 3ème année. Le cycle suivant est celui des premières options. Il doit à la fois ouvrir à une culture commune et permettre une première orientation dans la vie sociale. Il se déroule en 3 ans : c’est en somme un cours supérieur 1 (5ème ), 2 ( 4ème ) et 3 (3ème ).

Des sections préparatoires à l’apprentissage peuvent être ouvertes pour les élèves qui ne peuvent suivre le cycle supérieur sur le modèle des CLIS en primaire ou des SEGPA au collège. Elles déboucheraient sur un CFA ou un EREA.

Des options s’ajoutent au socle commun à tous les élèves. La technologie ne doit pas être une option. Elle fait partie du socle.

Le brevet sanctionne la fin de la scolarité au collège. Il se fonde sur le livret de connaissances et de compétences qui accompagne l’élève. Il peut faire l’objet d’un examen écrit et oral pour les élèves dont le livret est insuffisant ; c’est une sorte d’appel qui peut contribuer à l’orientation.

L’enseignement au collège demande des maîtres formés pour suivre des adolescents. Il doit s’adapter au public scolaire, ce qui demande une autonomie suffisante de l’établissement avec des équipes pédagogiques qui s’inscrivent dans la durée (minimum de 3 ans). L’actuelle 6ème devrait être centrée sur le rattrapage ou la remédiation nécessaire pour les élèves en difficulté, ce qui suppose des horaires souples et aménagés.

De 16 à 18 ans

Après le cycle des enseignements fondamentaux, les élèves entrent au lycée. La 1ère année (actuelle seconde), ils suivent – en plus des matières de base – des options qui doivent leur permettre de s’orienter. Ces options ont un caractère général, technologique ou professionnel.

A chaque lycée correspond au moins un CFA intégré ou non. Il est ouvert pour une formation au CAP soit en 3 ans pour les élèves qui sortent du collège, soit en 2 ans pour ceux qui sortent d’une première année au lycée.

Le lycée, après la 1ère année d’orientation, prépare – en 2 ans – au baccalauréat général, technologique ou professionnel. Le CFA prépare au Bac pro en alternance, soit après un CAP, soit après la 1ère année de lycée pour les élèves qui préfèrent une formation en alternance. Des stages en entreprise sont organisés pour tous les lycéens, ils sont plus intenses pour les élèves des sections professionnelles (tiers temps).

Le lycée donne une formation culturelle et facilite l’expression culturelle des élèves. L’accès au travail peut se faire sur la base du CAP (niveau 5) ou du baccalauréat professionnel (niveau 4). L’ancien BEP est supprimé ou devient un diplôme de la formation continue. Après un CAP, on peut préparer un baccalauréat professionnel, après un Bac pro on peut préparer un BTS ou un DUT. Les titulaires de Bac pro sont prioritaires pour l’inscription en STS (lycées) ou en IUT. Tout titulaire du baccalauréat peut s’inscrire en 1ère année d’université ou en CPGE. A l’issue de la 1ère année, ou bien il poursuit ses études vers la licence, ou bien il choisit une autre orientation, notamment vers une STS ou un IUT. Des formations privées sont évidemment possibles.

Après 18 ans

Les universités se structurent sur la base du LMD européen. Les licences sont diversifiées selon des perspectives professionnelles au sens large. Elles peuvent avoir un caractère plus général, plus technologique (3ème année du BTS ou du DUT) ou plus professionnel (licences professionnelles). Les CFA préparent aux diplômes professionnels, en alternance, avec le statut d’apprenti. Après une licence générale ou technologique, on peut préparer un master en 2 ans. Les masters sont plus ou moins spécialisés, ils sont organisés dans et par les universités ou des Ecoles supérieures type ESPE. Le master permet de se présenter à des concours (enseignants, ingénieurs, professions juridiques ou administratives…) ou de poursuivre en recherche (DESS, DEA,…).

Les Grandes Ecoles sont intégrées dans le dispositif universitaire ou développent des formations spécifiques après un concours d’entrée préparé en CPGE ou à l’université (des conventions peuvent aider à articuler licences et préparation des concours).

La carte des enseignements supérieurs doit être redéfinie dans le cadre des compétences des nouvelles régions et des métropoles qui géreront ensemble lycées, CFA, universités, grandes écoles. Des communautés mettront en synergie formations universitaires et grandes écoles.

L’autonomie de gestion est la règle pour les universités en jonction avec l’Etat, les entreprises et les collectivités, notamment pour les financements. Le cadre national s’impose pour la délivrance des diplômes (habilitation), les titres donnant droit à enseigner, les règles de financement, les garanties de légalité…

Une évaluation est faite concernant la qualité de l’enseignement et de la recherche tous les 5 ans en jonction avec les grandes universités en Europe et dans le monde.

III – Développer un nouveau métier d’enseignant

Enseigner s’apprend. Il s’apprend d’autant plus que la transmission de savoirs, de compétences et de valeurs se fait dans un contexte culturel complexe irrigué notamment par le développement des nouvelles technologies, la désagrégation de la cellule familiale dans nombre de cas, etc.

Le métier d’enseignant est donc en pleine évolution et doit d’adapter. Ce métier s’exerçant dans des conditions particulières, dans le cadre d’un statut de caractère public, il serait sans doute opportun de le réviser ou de le refonder.

Ainsi à l’image de la fonction publique hospitalière, une fonction publique enseignante pourrait être mise en place. Ce qui permettrait :

  • De réexaminer les conditions d’exercice : temps de travail, présence en établissement, moyens matériels, rémunération, évolution salariale, évaluation professionnelle, etc.
  • De mieux équilibrer la formation entre la formation dite « académique » et la formation professionnelle, dans les ESPE, avec des établissements d’application, et une formation initiale et continue selon les principes du Compte personnel d’activité.
  • D’assurer des capacités d’évolution et de promotion à tous les niveaux de l’EN. Une formation de base peut être complétée par une formation liée à un niveau scolaire :
    • les écoles (enseignement général)
    • les collèges (enseignement de type bivalent cf. les PLP)
    • les lycées (enseignement disciplinaire)

– De mettre en place un système de reconversion pour les enseignants ayant exercé un certain nombre d’années.

LES AUTRES SYNTHÈSES DES RAPPORTS THÉMATIQUES :

Voir 1/4 Synthèse sur l’Environnement 

3/4 Synthèse sur l’Europe

4/4 Synthèse sur la Compétitivité