Petit-déjeuner débat sur l’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche

Avr 24, 2012 | Actualités, Innovation | 0 commentaires

Thierry Dallard, Président de l’Union des ingénieurs des ponts, eaux et forêts, a ouvert ce petit déjeuner débat, auquel j’étais invité à l’occasion de la sortie de mon ouvrage « 2012-2017 : quel avenir pour l’enseignement supérieur et la recherche ? », en précisant qu’il serait le premier d’une série de manifestations sur les grands débats de société actuels dans lesquels les ingénieurs doivent pouvoir apporter leur analyse et leur expertise. La valorisation du métier d’ingénieur auprès des jeunes, l’avenir des filières scientifiques, leur capacité à accueillir les élèves pour promouvoir l’ascenseur social, la réduction de la part de l’industrie dans l’économie française seront parmi les thèmes explorés prochainement.

Pour un État stratège et des collectivités autonomes

À partir de l’exemple grenoblois (qui regroupe 60 000 étudiants, plus de 20 000 chercheurs et 120 laboratoires de recherche), j’ai expliqué ma volonté de mettre en valeur dans mon livre le lien fondamental entre enseignement supérieur, recherche innovation et industrie, regrettant au passage que le thème de la recherche et de l’enseignement supérieur soit l’un des grands oubliés de cette campagne électorale. Pourtant, ai-je rappelé, le problème n’est pas seulement économique, mais également social et démocratique, et se trouve avoir de grandes répercutions au niveau international. Ainsi, seule une véritable politique de l’innovation se prolongeant dans les exportations permettra de résorber le grave déséquilibre de la balance du commerce extérieur.

Soulignant la nécessité pour l’État de redéfinir les grandes orientations industrielles de la France, j’ai appelé de mes voeux la mise en place d’un Ministère de l’enseignement supérieur, la recherche, l’innovation et l’industrie (MESRII), capable de promouvoir une véritable culture de l’innovation en France. A défaut d’un tel ministère, j’ai suggéré du moins de distinguer les finances de l’industrie, et d’associer la culture de l’innovation au ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche.

L’État doit (re)devenir stratège, c’est à dire définir les filières prioritaires et les investissements d’avenir ; proposer un cadre de régulation à la fois stable et propice à la recherche et à l’innovation ; mieux encadrer les relations de sous-traitance entre les grandes entreprises et les ETI/PME.

Pour autant, l’intervention publique sur la question ne doit pas se limiter au niveau étatique : l’échelon local est essentiel. J’ai donc proposé de dynamiser les contrats de projet entre État et collectivités, laissant les régions se concentrer sur les PME/PMI et les pôles urbains développer le réseau d’ETI (en lien avec les pôles de recherche, les grands centres universitaires, les pôles de compétitivité…), afin de dynamiser la gouvernance publique de l’innovation.

Car c’est au niveau local que l’on peut véritablement encourager les PME et les ETI : je suis ainsi favorable à une plus grande autonomie (capacité de discernement) dans les choix d’OSEO et le renforcement du crédit impôt recherche dans une logique d’innovation, par exemple en intégrant la mise au point de prototypes, de pré-séries…

Pour une université pluridisciplinaire et universelle

Constatant par ailleurs l’énorme déficit français en nombre d’ingénieurs et de masters en sciences (28 000 ingénieurs sont formés chaque année), j’ai rappelé que l’échec universitaire de la France ne fait que prolonger l’échec scolaire et les problèmes existant dans l’orientation.

Il y a aujourd’hui un véritable problème de vocation au niveau des ingénieurs, qui choisissent souvent cette filière par tradition familiale, ou prestige social ; alors que bien souvent le parcours professionnel n’a rien à voir avec parcours universitaire. Ce qui suppose de revoir ces formations pour rapprocher celles des ingénieurs de celles des docteurs, en les associant aux laboratoires de recherche et à un parcours en entreprise.

J’ai par ailleurs proposé l’organisation d’Assises de la recherche et de l’enseignement supérieur, en s’appuyant fortement sur le niveau régional, comme ce fut le cas pour le Grenelle de l’environnement.

J’ai suggéré également d’encourager les filières courtes, dont l’absence handicape aujourd’hui de nombreux jeunes ; et de revaloriser les doctorats, en facilitant le passage et l’intégration des les grands corps de la fonction publique.

Soulignant en outre la nature universelle de la communauté scientifique, j’ai à nouveau dénoncé la circulaire Guéant, et proposé par ailleurs de mettre en place des formations binationales (en particulier pour construire l’Europe de la recherche et de l’innovation) allant jusqu’au doctorat.

J’ai également appelé de mes vœux la mise en place d’une université pluridisciplinaire ne se limitant pas aux sciences dures, mais ouverte aux sciences humaines, sociales, et aux langues.

Le passage, en quelques années du 5e au 15e rang mondial en terme de recherche, montre bien la nécessité de réorganiser entièrement le parcours d’apprentissage français. A cet égard, j’ai évoqué le succès de l’expérience grenobloise du programme « Parler bambin » pour conclure qu’il est possible de prévenir l’échec scolaire dès le plus jeune âge, malgré les inégalités socioculturelles de départ.

« 2012-2017 : quel avenir pour l’enseignement supérieur et la recherche? » – 10 mesures pour (ré)unifier notre système d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation

1) Développer la professionnalisation de l’enseignement en revalorisant les filières courtes
2) Adopter une loi d’orientation de l’enseignement supérieur faisant de la lutte contre l’échec universitaire une priorité
3) Améliorer la condition étudiante, notamment par des aides financières plus importantes sur critères sociaux
4) Engager notre pays dans la définition d’une véritable stratégie européenne de recherche
5) Instituer un Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation industrielle (MESRII) chargé de mener à bien la nouvelle stratégie nationale et régionale de la recherche et de l’innovation
6) Mieux répartir et sécuriser les ressources des universités par des plans quinquennaux avec l’Etat et les Régions
7) Dynamiser et rationaliser la carte de la recherche afin de renforcer l’attractivité de notre pays et de ses territoires
8) Faciliter le rapprochement entre les grandes écoles, l’université et les centres de recherche
9) Mobiliser des financements autour de thématiques nouvelles et de projets d’avenir
10) Réformer les dispositifs d’aides à l’innovation pour stimuler le développement d’établissements de taille intermédiaires innovants