Assemblée parlementaire de l’OTAN à Tirana 2/3 : les enjeux d’une défense collective

Mai 31, 2016 | Actualités, International | 0 commentaires

C’est à Tirana, capitale de l’Albanie, que l’OTAN a décidé de tenir la session de printemps de son Assemblée parlementaire, en cette fin mai 2016.

Aux côtés des autres membres de délégation socialiste française

Aux côtés des autres membres de délégation socialiste française

Membre de la Commission politique, j’ai donc participé aux débats concernant l’application des engagements du sommet du Pays de Galles et la préparation des orientations pour le Sommet de Varsovie de juillet 2016.
Ce prochain rendez-vous interviendra à un moment important pour l’Alliance, alors que les plaques tectoniques de la sécurité euro-atlantique ont bougé à l’Est et au Sud. L’OTAN procède au plus grand renforcement de sa défense collective depuis la fin de la Guerre froide.

Concernant la Russie, les Alliés ont réagi en 2014 à son agression contre l’Ukraine et à son non-respect du droit international.
Les divergences de vues au sujet de l’Ukraine ne sauraient empêcher la coopération dans d’autres domaines, comme la lutte contre Daech. Même si l’attitude de Moscou en soutien à Bachar El-Assad n’est pas dépourvue de fortes ambiguïtés… Il convient aussi de prendre en compte les considérations économiques, car bon nombre de pays européens qui ont imposé des sanctions à la Russie aspirent à une détente économique qui fortifierait leurs économies nationales précaires.
De façon générale, tous les pays alliés s’accordent sur le principe consistant à rester fermes tout en cherchant des dialogues avec Moscou sur des questions telles que l’Ukraine ou les mesures de transparence.

En Ukraine, on le sait, les autorités russes continuent d’alimenter les combats dans les régions dissidentes de Donetsk et de Lougansk. Mais sur le plan intérieur, le pays connaît une situation préoccupante, avec des querelles politiques intestines, une corruption omniprésente ainsi qu’une grande instabilité financière et économique (dette galopante, fuite des capitaux, forte décroissance en 2015…).
Le Sommet de Varsovie sera pour les Alliés l’occasion de faire le point sur la concrétisation des engagements pris envers l’Ukraine et sur la situation intérieure dans ce pays du point de vue de la démocratisation, du respect de la primauté du droit, de l’avancement de la réforme du secteur de la sécurité et de la défense.

Il a aussi été question de l'élargissement de l'OTAN et des ses partenariats

Il a aussi été question de l’élargissement de l’OTAN et des ses partenariats

Cependant, pour de nombreux Alliés, les répercussions de la poursuite des violences et des troubles au Moyen-Orient et en Afrique du Nord renferment davantage de périls que le comportement de la Russie : la Syrie, en guerre civile avec son long cortège d’atrocités commises par les forces gouvernementales, l’Iraq en proie à des violences confessionnelles et à une grande faiblesse de ses autorités centrales, Daech résistant encore aux coups de la coalition internationale et attirant des recrues par milliers, la Lybie paralysée par ses querelles internes et les affrontements entre milices rivales, ouvrant la voie à Daech.
Et pendant ce temps, les actes de terrorisme se multiplient, notamment en France, en Belgique et en Turquie.
Et puis surtout, les flux migratoires en provenance de la région et en direction de l’Europe ont considérablement augmenté depuis le Sommet du Pays de Galles, engendrant crises humanitaires, tensions politiques et menaces pour la sécurité.
Les actions engagées par l’OTAN comme par l’Union européenne dans l’ensemble du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord restent mineures, même en matière de partage des données du renseignement, de lutte contre le terrorisme ou de gestion des frontières.

L'Assemblée parlementaire de l'OTAN réunie à Tirana pour traiter des grands enjeux de défense du 21ème siècle

L’Assemblée parlementaire de l’OTAN réunie à Tirana pour traiter des grands enjeux de défense du 21ème siècle

La crédibilité durable de l’OTAN repose sur sa volonté et sa capacité de s’acquitter de sa tâche fondamentale, la défense collective. Après des années de réductions d’effectifs des forces de l’OTAN et des États-Unis ainsi que de leur niveau de préparation en Europe, il convient de s’interroger sur la puissance, la cohésion et la solidarité de l’Alliance.
La nécessité d’assurer une dissuasion et une défense crédibles tout en évitant une confrontation avec la Russie sera, en ce sens, inscrite à l’ordre du jour des discussions préalables au Sommet de Varsovie.

Enfin, la question de l’élargissement de l’OTAN et de ses partenariats a été l’occasion d’échanges nourris et serrés, avec les pays candidats notamment. Les perspectives d’adhésion de la Géorgie et des pays candidats des Balkans occidentaux restent d’actualité. Le Monténégro, en particulier, pourrait devenir le 29ème membre de l’OTAN.

Au total, et à titre plus personnel, je m’interroge sur les capacités de l’OTAN à s’adapter en temps réel au monde en mutation rapide.
Les problèmes auxquels doit faire face l’Union européenne (flux migratoires, lutte contre le terrorisme, relations avec la Russie…), et qui divisent ses pays membres, demeurent une source de paralysie croissante, et font douter de son efficacité et de sa crédibilité géostratégique.
Par ailleurs, les États-Unis, ont tendance à détourner leur regard de l’Europe vers l’Asie et plus particulièrement vers la Chine. La décroissance démographique de pays comme la Russie et l’Allemagne, la moindre dépendance des États-Unis vis-à-vis des pays du Moyen-Orient en matière d’approvisionnement en hydrocarbures, la montée en puissance économique de la Chine deviennent les principaux paramètres qui orientent l’évolution des perspectives stratégiques américaines dans le monde multipolaire du 21ème siècle. Le paradoxe tend donc à s’accroître entre une organisation euro-atlantique toujours largement dominée par les États-Unis et une moindre attention de ces derniers aux sollicitations les plus vives des pays de l’Europe de l’Est, pays les plus hostiles au grand voisin russe.
À mes yeux, l’Union européenne doit compter sur ses propres forces et ressources. Et le moment est largement venu de relancer un processus de relance politique, économique et stratégique de l’Europe. La France et l’Allemagne qui apparaissent au sein de l’OTAN comme les moins va-t’en guerre, et qui peuvent être critiquées pour leurs initiatives sur l’Ukraine (format Normandie des accords de Minsk) ou au Moyen-Orient et en Afrique (concernant la France notamment), ou sur la question de l’accueil des réfugiés (vis-à-vis de l’Allemagne en particulier), doivent aller désormais plus en avant et prendre leurs responsabilités en proposant un pilotage européen plus offensif et plus efficace au sein de la communauté internationale.
Sans être considéré comme une illusion, le parapluie américain ne peut être la seule réponse à la sécurité européenne.
Il est temps de s’accorder à deux (France et Allemagne) puis de le faire partager à dix-neuf (zone euro) et enfin à vingt-huit (Union européenne) sur une politique intégrée aux plan militaire, énergétique et économique, qui s’impose à un continent de plus d’un demi-milliard de personnes, le plus développé économiquement, socialement, écologiquement et démocratiquement du monde.

LIRE AUSSI : 

I – L’Albanie, pays ami de la France

III – l’Alliance contre Daech et le terrorisme