Audition de l’ancien Président du conseil libanais

Mai 24, 2011 | Actualités, International | 0 commentaires

La semaine dernière, la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, à laquelle j’appartiens, auditionnait M.Fouad Siniora, ancien Président du conseil libanais et Président du Courant du futur. Au-delà des liens indéfectibles qui unissent depuis longtemps la France et le Liban, cette rencontre était l’occasion, dans le contexte de révolte qui traverse le monde arabe, d’avoir un éclairage sur les bouleversements en cours au Moyen-Orient, notamment en Syrie.

Voici les questions que je lui ai posées lors de cette audition, ainsi que les réponses qu’il m’a apportées :

Vous avez plaidé en faveur de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États arabes. Comment, alors, l’Europe et la France en particulier peuvent-elles intervenir, notamment pour ce qui concerne la Syrie?

Au cours des événements qui se sont déroulés récemment dans le monde arabe, la France a toujours été fidèle aux valeurs de la démocratie, de l’ouverture, de la tolérance, de la justice et de l’indépendance des États arabes. Nous savons que, telle qu’en elle-même, elle ne tombera pas dans le piège du double langage, ne songera pas à se mêler des affaires intérieures d’un pays ou d’un autre et qu’elle marquera son attachement à la très noble cause de la réforme dans le monde arabe.

Quel impact pourrait avoir sur la vie politique libanaise la déstabilisation, voire la destitution, du président syrien?

Mon groupe parlementaire, le plus important de l’opposition, est résolument favorable à une réforme en Syrie. L’ensemble du monde arabe a besoin qu’une démocratie réelle s’instaure dans ce pays, mais le Liban, singulièrement, aurait tout à gagner de l’avènement de la démocratie chez son voisin pour relever les défis politiques auxquels il se trouve confronté. Alors que ma formation politique a souligné qu’il fallait éviter toute intervention dans les affaires internes du pays, nous avons été accusés d’ingérence. Cette allégation est mensongère. Nous-mêmes ne voudrions pas que des forces étrangères se mêlent de nos affaires ; pourquoi donnerions-nous des verges pour nous faire fouetter ? On a prétendu que nous aurions envoyé vers la Syrie des navires chargés d’armes, ou que nous financerions des factions syriennes ; mais ces accusations, inventées de toutes pièces, ont dû être retirées. Nous souhaitons que les aspirations du peuple syrien soient satisfaites mais, je le répète, nous ne voulons en aucun cas nous ingérer dans les affaires syriennes. Notre espoir est que les relations entre la Syrie et le Liban soient les meilleures, et pour cela fondées sur le respect réciproque.

Avec la Syrie, nous souhaitons établir des relations de voisinage fondées sur le respect mutuel. La réforme politique est dans l’intérêt de tous les pays arabes, et elle devrait
avoir lieu en Syrie aussi. Les relations entre la Syrie et le Liban sont très délicates : alors que le Liban a gagné son indépendance en 1943, il nous aura fallu attendre 2009, soit plus de soixante-cinq ans, pour établir des relations diplomatiques avec notre voisin… Nous souhaitons maintenir de bonnes relations avec lui, mais nous ne pouvons approuver le recours à la violence par le régime syrien contre son peuple.

Quelles sont vos relations avec le gouvernement israélien ?

L’Occident a un rôle de premier plan à jouer dans la recherche urgente d’une solution globale au conflit entre Israël et les pays arabes, car il faut éviter une prise en otage par les extrémistes des deux bords. La déclaration du « guide suprême » iranien, affirmant que les bouleversements politiques du monde arabe signalaient « une irréversible défaite » pour les États-Unis et « un éveil islamique » au Moyen-Orient, se passe de commentaires.

L’Occident, notamment la France et les Etats-Unis, ont une responsabilité éminente : faire appliquer l’Initiative de paix arabe, qui promet une paix globale et durable à Israël et aux États arabes en échange de la reconnaissance d’un État palestinien dans les frontières de 1967, avec Jérusalem Est comme capitale. Même des anciens officiers israéliens de haut rang – dont d’anciens chefs des services de sécurité – ont admis, en présentant une nouvelle initiative de paix, que la paix ne sera pas atteinte par des opérations militaires !

Enfin, qu’en est-il du désarmement du Hezbollah ?

Vous m’avez interrogé sur notre position relative au désarmement du Hezbollah. Que vous dire à ce propos sinon que, comme dans toute démocratie, c’est à l’État libanais que revient le monopole de la détention des armes, et à l’armée régulière celui de son usage ? L’État libanais a subi plusieurs tentatives de déstabilisation. Au lieu d’être dirigées contre Israël, les armes ont été tournées contre des populations civiles désarmées, ce qui est inacceptable. Grâce au Hezbollah, nous le reconnaissons, Israël a mis fin, dans le passé, à l’occupation de certains territoires libanais. Mais la situation ayant beaucoup évolué depuis l’an 2000, il est maintenant indispensable que les armes soient exclusivement aux mains des autorités légitimes de l’État, à qui il revient d’obtenir l’entière libération des territoires encore occupés par Israël au Liban – les fermes de Chebaa et la partie septentrionale du village de Ghajar.