Jeudi et vendredi dernier, j’étais en déplacement à Ougadougou, ville jumelée à Grenoble depuis 1999, accompagné d’une délégation grenobloise. Vendredi midi, j’ai inauguré les premières cantines scolaires de Ouagadougou, en présence notamment de Monsieur Simon COMPAORE, Maire de la ville, du Ministre burkinabé de l’Education, de l’Ambassadeur de France au Burkina-Faso et des nombreux élèves des trois écoles de Goughin, Nemnin et Tanghin. Ce moment fut particulièrement intense et laissera un souvenir plein d’émotion pour tous les membres de notre délégation et pour les Ouagalais qui étaient présents.
Grâce aux cantines, ce sont 6000 enfants scolarisés dans trois écoles de Ouagadougou qui vont pouvoir bénéficier d’un repas chaud le midi les jours d’école. Certains n’avaient pas l’occasion de déjeuner et cela se ressentait sur leur scolarité. Assurer un repas le midi à ces écoliers, c’est en effet non seulement répondre à leurs besoins alimentaires, mais également permettre des conditions optimales de scolarisation.
Fruit d’une relation active de presque deux années entre la Ville de Grenoble et la Ville de Ouagadougou, le projet des cantines scolaires est un modèle de réussite de coopération décentralisée. La Ville de Grenoble s’est engagée à verser 50 000 euros par an pendant trois années pour assurer le fonctionnement des cantines. La Ville de Ouagadougou et l’Etat du Burkina-Faso verseront chacun la même somme jusqu’en 2014. Les parents d’élèves ont également accepté de participer au financement des repas à hauteur de 10%. Par ailleurs, 60 cantinières ont été embauchées pour assurer le service des repas et perçoivent une rémunération pour ce travail.
La veille de l’inauguration des cantines, la convention bipartite entre la Ville de Grenoble et la Ville de Ouagadougou portant sur le financement et le fonctionnement des cantines scolaires a été votée à l’unanimité par le Conseil Municipal de Ouagadougou réuni en session extraordinaire (voir ci-dessous le discours que j’ai prononcé à cette occasion).
Outre l’inauguration des cantines, le déplacement officiel de la Ville de Grenoble a Ouagadougou a permis de rencontrer de nombreux acteurs institutionnels impliqués dans nos projets communs et de faire le point sur nos nombreuses actions de coopération, comme notamment le projet de construction du Reemdoogo II, la Ceinture Verte, le conservatoire botanique au sein du parc urbain de Ouagadougou ou encore la Médiathèque municipale.
Discours prononcé devant le Conseil municipal de Ouagadougou :
Monsieur le Maire de Ouagadougou, Cher Simon COMPAORÉ,
Monsieur le Premier Adjoint, Jean-Christophe ILBOUDO,
Monsieur le Second Adjoint, Dramane COMPAORÉ,
Messieurs les Maires d’Arrondissement,
Mes Chers Collègues élus,
Monsieur le Consul du Burkina-Faso à Lyon,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
C’est un honneur de me retrouver avec toute la délégation grenobloise devant le Conseil municipal de la Ville de Ouagadougou réuni en session extraordinaire pour la signature de la convention bipartite Ville de Ouagadougou / Ville de Grenoble portant sur le financement et le fonctionnement des cantines scolaires.
Ce projet nous a tenu particulièrement à cœur et nous devons sa réussite à la mobilisation de tous, de Ouagadougou, de Grenoble, mais également de l’Etat du Burkina-Faso qui, par le truchement du Ministère de l’Education et de l’Alphabétisation, a confirmé sa volonté de contribuer à la réussite du projet.
A Grenoble, la délibération portant sur le financement des cantines scolaires a été votée à l’unanimité par les élus de la Ville lors de notre dernier Conseil Municipal le lundi 21 novembre.
L’occasion m’est donc donnée de remercier tous les acteurs ouagalais impliqués dans le succès des cantines :
– Les maires d’arrondissement, et en particulier ceux de Nongr-Mâasom et de Baskuy qui ont participé activement à l’appropriation du projet par les parents d’élèves dès février 2010 ;
– Les comités de gestion – COGES – qui font le relais à la fois envers le Comité central et envers les parents d’élèves ;
– Les parents d’élèves ;
– Les directeurs d’école et les instituteurs ;
– Les cuisinières ;
– Les producteurs locaux ;
– L’Ambassade de France.
Je salue avec d’autant plus de ferveur ce travail partenarial que les échanges et les concertations, notamment avec les parents d’élèves, ont représenté un travail conséquent.
A Ouagadougou, pour les trois blocs d’école où les cantines fonctionnent, vous avez 6000 écoliers concernés, et donc au moins autant de parents à convaincre du bien-fondé du projet des cantines. Mais il y a parfois des projets qui appellent d’emblée la mobilisation de tous tant les objectifs à atteindre sont partagés : assurer aux enfants un repas chaud le midi et permettre ainsi leur scolarisation dans des conditions optimales.
Mesdames et Messieurs, si Ouagadougou nous inspire une telle envie de travailler avec elle, et si nous comptons aujourd’hui tant de réalisations communes après ces douze premières années de notre coopération, c’est d’abord qu’elle a des forces vives avec lesquelles nous savons pouvoir travailler, des responsables des institutions, des associations et de la société civile qui forcent notre admiration.
J’ai beaucoup voyagé dans le monde du fait de mes fonctions professionnelles puis municipales et parlementaires. J’ai vu des pays riches. J’ai vu des pays pauvres. Le Burkina Faso est malheureusement de ceux là. Mais j’ai rarement vu un pays, et en tout cas une capitale, qui faisait preuve d’autant d’ardeur et de dignité pour essayer d’aller de l’avant au profit de tous ses habitants.
Nous le savons, le Burkina Faso n’est pas un pays riche. Son développement a ete freiné par la faiblesse de ses ressources naturelles, la rudesse de son climat, le faible accès de sa population à l’eau potable et l’urbanisation galopante notamment sur Ouagadougou.
La croissance a néanmoins atteint plus de 5% par an de2000 a2008, même si elle s’est ralentie en 2009 du fait de conditions météorologiques défavorables (sécheresse, inondations) et par la crise en Cote d’Ivoire, Abidjan étant le principal port de transit des marchandises destinées a l’exportation.
Comment d’ailleurs ne pas saluer l’action internationale du Burkina Faso et de son président Blaise COMPAORE? Du dialogue inter-togolais en 2006 au processus de sortie de crise ivoirien ou guinéen, la communauté internationale a rendu hommage au président du Burkina Faso pour ses efforts de médiation. Puis-je rappeler aussi son implication dans la lutte contre le terrorisme et dans la libération des otages canadiens et espagnols détenus par AQMI?
Et puis, président de l’AMGVF, il m’est agréable de souligner l’importance de la coopération décentralisée entre nos deux pays, cooperation qui a plus de 40 ans aujourd’hui, le 1er jumelage datant de 1967 entre Ouagadougou et Loudun (Poitou- Charente).
A present ce sont plus de 200 collectivités qui sont engagées grace notamment au processus de décentralisation de 2006 au Burkina Faso. La coopération, d’abord militante est aujourd’hui basée sur des conventions de partenariat reconnues, légalisées, soutenues par les deux Etats, tout en laissant une très large autonomie aux acteurs locaux.
Si Grenoble, ville jumelée avec bientôt 19 autres villes dans le monde, a réalisé ce fabuleux projet des cantines avec vous – un modèle de réussite pour la coopération décentralisée – ce n’est pas un hasard. Qui d’autre qu’avec notre ville sœur ouagalaise aurions-nous pu mener ce magnifique projet à terme ?
Les cantines fonctionnent depuis octobre dernier. Un plan de financement réaliste et pérenne a été monté jusqu’en 2014, prenant en compte toutes les dépenses liées au fonctionnement quotidien d’une cantine, mais également les besoins en investissement. Il faut dès à présent penser aux années suivantes.
Monsieur le Maire, permettez-moi d’affirmer ici devant votre Conseil municipal, que nous aurons besoin de l’effort de tous pour assurer le fonctionnement pérenne des cantines. De l’aide de nos deux villes bien sur, mais aussi du PAM –Programme Alimentaire Mondial, du PNUD- Programme des Nations Unies pour le Développement, de la FAO, des entreprises françaises ou burkinabé présentes sur le territoire. Des parents des écoliers enfin, qui ont accepté de participer au financement des repas à hauteur de 10% de la somme totale.
Je sais que chacun dans son domaine est prêt à mettre en œuvre tous les moyens possibles pour réussir la pérennisation des cantines.
Il s’agit aussi des producteurs, des associations de maraîchers et encore des meuniers locaux de la Ceinture Verte. Tous les échanges avec les différents acteurs de la filière alimentaire ont favorisé la genèse de ce projet et nous devons continuer.
Ici à Ouagadougou, vous avez les mêmes aspirations universelles qu’à Grenoble : assurer à votre jeunesse les meilleures chances de réussite en leur proposant une scolarisation qui ouvre des perspectives. Au-delà des différences de développement de nos deux villes, au-delà des moyens dont nous pouvons chacun disposer, la seule attitude qui nous est autorisée, c’est la solidarité. Nous sommes embarqués dans la même aventure et nous devons nous battre ensemble pour l’avenir de nos jeunes générations.
Demain sera un moment exceptionnel, celui de l’inauguration officielle des cantines. Aujourd’hui, par la signature de la Convention bipartite, Grenoble entend montrer une fois encore sa détermination à mettre ensemble sur pied des programmes de coopération qui profitent à tous. Après le succès hier du Reemdoogo I, avec les cantines scolaires aujourd’hui et avec le projet Ceinture verte à l’avenir, Grenoble et Ouagadougou avancent plus que jamais ensemble.
Quelques mots plus personnels peut-être pour conclure. Au-delà des politiques menées par les Etats et les communes, il y a les hommes et les femmes qui croient dans l’avenir de l’humanité, c’est à dire dans des valeurs universelles de fraternité qui transcendent les inégales situations de nos territoires.
Le sourire d’un enfant qui découvre la joie de la lecture, le visage épanoui d’une femme qui voit dans son enfant l’avenir de son pays, respecté et aimé, l’espérance retrouvée de l’homme qui sait que sa patrie devient un exemple dans le monde, par sa croissance, sa démographie et sa culture ; voilà le Burkina Faso d’aujourd’hui, voila cher Simon Compaore ce que la volonté, la détermination, l’intelligence, l’abnégation et l’engagement de ses responsables ont réussi a faire.
Cher Simon, nous étions il y a quelques semaines a Erevan (en Arménie) pour la rencontre des villes francophones. C’était, comme souvent, un moment d’amitié partage entre maires de tous les continents. C’était pour moi un moment privilégie.
Puis-je évoquer ce diner ou assis entre les maires de Dakar et de Ouagadougou ? Mes pensées s’envolaient alors vers ma propre famille dispersée aux 4 vents du monde par une histoire parfois tragique ou par la volonté des jeunes générations. Et puis je repensais a un certain discours sur l’Afrique, un discours qui n’aurait jamais du être prononce. Et puis je ressentais a mes cotes la présence sensible, intelligente du maire de la capitale du Sénégal, président potentiel de ce pays, d’un pays d’ou partaient les esclaves pour l’Amérique en d’autres temps, temps aujourd’hui incroyables; et puis je ressentais la présence sensible, intelligente, amicale du maire de la capitale du Burkina Faso, secrétaire de l’association internationale des maires francophones, Simon Compaore, exemple de courage, de foi dans l’avenir pour celui qui est considère comme le plus grand maire de l’Afrique de l’Ouest, et qui est mon ami. Je ressentais alors très fort que le continent noir devenait non seulement un enjeu mondial considérable mais qu’il était a bien des égards une chance pour l’avenir de l’humanité.
Mes chers collègues, mes chers amis, ces sentiments ne sont pas exprimables de la même façon par tous. Mais je sais qu’au fond du cœur de chacun, il y a une place pour croire que le monde ne peut se résumer a une triste somme de peurs, d’humiliations et de désespérances.
Je sais que mes collègues et amis de Grenoble savent que le ciel bleu de Ouagadougou est source d’espérance pour le monde entier, que les jeunes des quartiers bénéficiaires de notre convention seront demain les bâtisseurs d’un monde plus juste et plus fraternel. C’est ce que j’ai perçu de l’amour de Marie Breton pour ce pays, pour cette ville ; c’est ce que j’ai perçu du projet d’une vie de Christian Chedru ; c’est ce que nous partageons avec intensité avec Jacques Thiar, Alain Pilaud, Paul Bron, avec les représentants des quartiers de Villeneuve, de Berriat et d’Allies Alpins et plus fortement encore si c’est possible avec Jean-Michel Détroyat et ma propre épouse Marie.
Alors, ensemble, construisons l’avenir de nos villes, l’avenir de nos communautés humaines, c’est à dire au fond, au bout du bout, l’avenir du monde!
Mes amis, en avant!