Forte d’une histoire multiséculaire, enrichie d’apports culturels et sociétaux multiples, la France peut et doit se nourrir de ce grand héritage pour se projeter activement vers un avenir ouvert au monde.
Les élections nationales de 2017 s’annoncent très difficiles pour la gauche. Notre responsabilité est plus importante que jamais pour soutenir les valeurs de solidarité, de progrès et d’égalité qui fondent l’essence même de notre engagement. Ce ne sera pas facile.
Il faudra d’abord assumer un bilan de quinquennat qui n’imprime pas toujours auprès de nos concitoyens. Pourtant, aux plans économique, social et environnemental, comme en matière de décentralisation – la réforme régionale en est un bon exemple –, de relations internationales et de défense, beaucoup de choses ont été faites. Mais un calendrier mal maitrisé et des polémiques au sein du gouvernement et du groupe parlementaire de la majorité ont malheureusement rendu certaines mesures engagées incompréhensibles aux yeux de la population. Il faudra faire preuve de pédagogie en replaçant les décisions passées en perspectives d’avenir, qu’il s’agisse de la suite de la COP 21, de la relance de l’Europe, du nécessaire équilibre économique et social de notre développement.
La mondialisation, les rapides avancées technologiques, le terrorisme et le changement climatique ont créé de nouveaux paradigmes qui conduisent à des bouleversements considérables. Oubliant les atouts de notre pays, les chances que constituent les échanges internationaux pour les pays les plus pauvres et pour les pays émergents, on ressent surtout inquiétudes, déclassements et désespérances, nés de l’absence de gouvernance mondiale. La nécessité d’une régulation économique, financière, migratoire et écologique se fait chaque jour un peu plus sentir.
Les inégalités augmentent au sein de nos sociétés. Notre cohésion nationale est de plus en plus en cause : les territoires péri-urbains délaissés, les quartiers populaires tournés souvent sur eux-mêmes, conduisent à la colère, au désespoir et finalement à l’abstention ou aux votes extrêmes.
Nos sociétés occidentales touchées de plein fouet par les révolutions industrielles successives et la réorganisation internationale du travail doivent se confronter sans attendre à ces réalités. A l’aube de ce que le célèbre essayiste américain, Jérémy Rifkin, qualifie de « Troisième Révolution industrielle », il convient de ne passer sous silence aucune de ces transformations et de se préparer concrètement à les accueillir – qu’elles soient positives (avènement d’une économie décarbonée, prise en compte croissante des enjeux de la biodiversité, respect et connaissance accrue des cultures dans toute leur diversité, etc.) ou plus angoissantes (le plus grand danger pour la France étant de ne pas réussir à adapter son appareil productif et son système éducatif aux enjeux de l’économie de la connaissance).
Notre projet politique doit être porteur d’une vision de la société à la fois réaliste et désirable. Rappelons à cet égard que la République et la démocratie ne se limitent pas à un processus électoral mais fondent un socle de valeurs qui engagent chacun de nous.
La France peut s’enorgueillir de son modèle de démocratie sociale. Nous nous devions de le rappeler avec force en préambule de ce rapport, tant il nous a semblé que ce modèle politique de justice sociale semblait céder, ça et là dans le monde, sous les coups de boutoir d’un ultralibéralisme forcené profitant de façon excessive et insupportable à un nombre limité, et jetant tant de nos congénères sur les routes encombrées du déclassement et de la pauvreté. Faux ennemi de cette soumission tous azimuts au pouvoir des marchés, le repli identitaire semble lui aussi gagner du terrain, et ce en dépit des avertissements de l’Histoire. A contrario de ces extrêmes, le présent rapport de notre cercle de réflexion « Inventer à gauche » a pour ambition sincère de rassembler les hommes et les peuples autour de valeurs essentielles – le partage, la coopération, le progrès social et environnemental – tout en démontrant la richesse de nos forces vives !
Ce rapport se veut utile, en refusant de s’inscrire dans l’habituel ballet électoral qui conduit à multiplier les priorités au point de ne plus rien retenir d’essentiel. Nous avons voulu traiter 4 grandes questions – la compétitivité économique, le développement durable, l’Europe et l’éducation – qui peuvent fonder un projet équilibré, sans contradictions internes, proposant une approche globale, s’inscrivant dans le temps long et articulant les responsabilités nationales avec celles des échelons locaux, européens et internationaux.
Pour nous accompagner sur les chemins escarpés – mais loin d’être insurmontables ! – de la réforme nécessaire de notre modèle économique et social, Jean-Claude Prager et Philippe Jurgensen dessinent les linéaments d’une politique économique à la fois ambitieuse et réaliste. Leurs propositions en faveur de la compétitivité, l’innovation et l’emploi ont, en l’espèce, pour insigne mérite d’être applicables dès aujourd’hui et, en même temps, d’inviter à des réformes de long terme, par exemple dans le domaine de la formation continue et dans celui des incitations à investir.
Evidemment, on ne saurait initier ces réformes sans prendre toute la mesure de l’urgence écologique à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés ; aussi le même Philippe Jurgensen, Sébastien Fournier et l’équipe d’experts de l’énergie qui les a accompagnés ont-ils établi 9 grandes propositions détaillées sur le développement durable : stratégie énergétique ambitieuse, économie « bas carbone », recyclage, biodiversité, politique de l’eau. Aucun des grands enjeux environnementaux n’est laissé de côté.
Il serait en outre illusoire et naïf de penser que l’on peut prendre seuls ces problèmes à bras le corps. C’est d’abord au sein d’une Europe renouvelée, unie, forte et rayonnante, que nous réussirons à sortir de l’ornière du déclassement économique et de la fragilisation de nos écosystèmes. Cette réalité n’échappe ni à Bernard Soulage, ni à Dominique de Comble de Nayves, qui entendent donner une nouvelle légitimité au projet européen. Après un état des lieux exhaustif des carences et surtout des atouts de l’Europe, ils élaborent un certain nombre de propositions politiques et institutionnelles visant à revigorer le Vieux continent.
Enfin, l’éducation est l’avenir de notre pays. C’est un truisme de le dire, mais pas une ineptie de le rappeler haut et fort, tant les programmes électoraux de la droite et de l’extrême droite lui promettent tous un avenir funeste, sans enseignants ni moyens financiers. A rebours de ce désengagement insensé, Robert Chapuis et Philippe Desgouttes dressent un bilan positif de l’Acte 1 de la refondation de l’école, initié courageusement par le gouvernement, et élabore des perspectives ambitieuses de prolongation et d’affermissement de ces réformes pour le collège, le lycée et les acteurs principaux de la réussite scolaire des futures générations : les enseignants.
Gageons que les candidats à l’élection présidentielle sauront se saisir de ces propositions pour réaffirmer la place et le rang de la France dans une mondialisation que chacun souhaite aujourd’hui plus sérieuse, ambitieuse et heureuse, heureuse, c’est-à-dire ouverte et favorable à tous les pays du monde sans creuser des inégalités en leur sein.
Michel Destot
Président d’Inventer à gauche