VIème édition de la « Table ronde des Maires Français et Chinois » à Tianjin

Oct 18, 2011 | Actualités, International | 0 commentaires

Je me suis rendu la semaine dernière à Tianjin, capitale économique de la Chine du Nord, pour participer à la sixième table ronde des Maires, organisée par le Comité France Chine. Une importante délégation composée de Maires et d’élus y participait composée notamment de Didier Cazabonne, Adjoint au Maire de Bordeaux, de Daniel Dugléry, Maire de Montluçon, de Serge Grouard, Maire d’Orléans, de Philippe Lavaud, Maire d’Angoulême, de Louis Nègre, Maire de Cagnes sur mer et Sénateur des Alpes Maritimes, de Pierre Mansat, Adjoint au Maire de Paris, d’Anne Menou Castera, Adjointe au Maire de Pau, de Jean-François Monino, adjoint au Maire d’Aubervilliers, de Jean-Marc Pujol, Maire de Perpignan ainsi que de Jacques Valade, ancien Ministre, représentant de la France en Asie.

Cette délégation était accompagnée des représentants de grandes entreprises françaises, Air Liquide, Alstom, Groupe La Poste, Scheider electric, Veolia transport, Suez environnement, emmenés par Jean-Pascal Tricoire, Président du directoire de Schneider Electric. Côté chinois, étaient notamment présents Tao Cheng, Vice-Président du CPIFA (institut chinois des affaires étrangères), Xigguo Huang, Maire de Tianjin et les Maires d’une dizaine de grandes villes chinoises.

L’avenir de la Chine était au cœur de la nos échanges dans un pays qui met en œuvre depuis 20 ans une transformation massive, radicale des modes de vie, sur fond de décollage économique, d’exode rural et de création de mégalopoles dépassant les 10 millions d’habitants. Comment concilier les exigences du développement économique, les enjeux environnementaux, sanitaires, sociaux, démographiques d’une telle urbanisation ?

Les Maires français ont évoqué leurs projets : réflexion sur les mobilités, politique de réduction de l’usage de la voiture individuelle, place du piéton dans la ville. Les Maires français ont aussi souligné l’importance d’un urbanisme pensant l’humain et préservant la qualité de vie, un urbanisme qui évite le recours au tout béton, au tout automobile et la création de banlieues dortoirs en périphérie des villes. Ce facteur humain est in fine ce qui fera l’attractivité des villes de demain.

Les défis de la Chine sont immenses, considérables. Un exemple : 50 millions de personnes sont atteintes en Chine de bronchite pulmonaire chronique obstructive (BPCO) du fait du tabac et de la pollution. Un autre exemple : actuellement 30 villes chinoises construisent des métros, uniquement à Nankin, six lignes de métro sont actuellement en construction pour atteindre une longueur totale de 250 km à la fin de l’année 2011. Enfin, 2000 nouvelles voitures entrent en circulation chaque jour à Pékin.

Les entreprises françaises peuvent répondre par leur savoir-faire aux défis rencontrés par les responsables chinois, qu’il s’agisse du domaine des transports, de l’énergie, de la santé, de l’eau ou des déchets. Je reste persuadé que ces échanges étaient bénéfiques à tous les participants, permettant d’imaginer les villes du futur, au croisement des choix politiques et des savoir-faire techniques.

Texte de mon discours :

 

Monsieur le Maire de Tianjin,
Monsieur l’Ambassadeur,
Mes chers collègues,
Mesdames et messieurs les présidents et directeurs,Je voudrais vous dire le plaisir que j’ai eu à participer à ces échanges, sentiment que je sais partagé. En cette fin de journée, je souhaiterais vous livrer quelques observations personnelles.

Bien sûr, il existe des différences notables entre villes françaises et villes chinoises, différences de taille et de rythme de développement, en raison d’histoire et de culture différentes, mais elles permettent d’enrichir considérablement nos échanges et de tenter une synthèse qui pourrait être une contribution utile à la nécessaire régulation mondiale aux plans économiques, sociaux et environnementaux.
La société mondiale devient inexorablement une société urbaine avec ses atouts éducatifs et culturels, en matière universitaire et de recherche, mais aussi avec ses charges sociales, ses inégalités sociales, ses contraintes environnementales (eau, déchets, assainissement, énergie,transport,…).
La question des « biens publics mondiaux » se pose en des termes nouveaux liés au climat, à la biodiversité, à la sécurité sanitaire, aux problèmes alimentaires et bien sûr à la pression démographique.

Au plan économique, nos villes se sont construites et développées en attirant des populations venant des campagnes et à la recherche d’emplois.
A l’échelle de la planète, s’est progressivement installée une division internationale du travail entre pays développés et pays sous-développés, entre activités à forte plus value et activités sous-qualifiées, accroissant les inégalités entre pays du Nord et pays du Sud.
Les pays émergents sont venus bousculer ce tête-à-tête de tous les dangers.
Aujourd’hui la Chine, l’Inde et le Brésil qui représentent à eux trois 40% de la population mondiale revendiquent leur part de R. & D., de personnel qualifié, bref leurs plus-values dans le concert économique mondial, entrant en compétition de plus en plus vive avec les pays jusqu’alors les plus développés.
Les entreprises françaises ne peuvent l’ignorer et sont confrontées à certaines localisations traditionnelles difficiles à maintenir en France. Et puis notre commerce extérieur repose beaucoup trop sur les grandes et très grandes entreprises, pas assez sur les PME qui ont bien du mal à devenir des ETI.
De leur côté, les territoires urbains chinois ne peuvent se développer indéfiniment sans chercher à maîtriser leur croissance démographique, ce qui a comme conséquence économique de trouver à terme un meilleur équilibre entre production industrielle (consommatrice de main d’oeuvre abondante et moins qualifiée, source d’emissions importantes de gaz à effet de serre) et services (à qualifications et plus-values supérieures).

Au plan social et environnemental (on pourrait dire tout simplement humain), le risque est grand de ne plus pouvoir maitriser l’accroissement démographique qui accompagne le développement économique des territoires urbains.
En France, la carte de la pauvreté a beaucoup évolué en 20 ans, passant massivement du milieu rural au milieu urbain, des personnes âgées aux jeunes issus de familles monoparentales et d’origine étrangère.
Dans certains pays émergents, le passage de métropoles de quelques centaines de milliers d’habitants à des mégapoles de plusieurs millions d’habitants puis à des mégalopoles de dizaines de millions d’habitants n’est pas toujours source de progrès, avec un aménagement urbain (en termes d’habitat, de déplacements, de maîtrise de l’énergie…) qui ne peut suivre le rythme de cette implosion démographique.
Ainsi la ville de Bangalore en Inde, qui était il y a 10 ans un must mondial dans le domaine des logiciels, a perdu de son attractivite, faute d’une maîtrise urbaine suffisante.
Demain, les villes les villes les plus attractives seront, je le crois, des cités présentant une bonne qualité de vie, avec de fortes offres éducatives, culturelles et environnementales. Et de ce point de vue, n’enterrons pas les villes de la « vieille Europe » (en tous cas les plus dynamiques d’entre elles) ni celles de la cote Est des USA.
Au total, si l’on veut concilier les dimensions économiques, sociales et environnementales de nos villes, organisons des espaces urbains de tailles différentes avec des entreprises implantées sur l’ensemble de ces territoires et équilibrant production industrielle, R. & D., services, entre majors et PME-PMI.
Faute de trouver cet équilibre, le développement des pays peut être remis en cause dans leur croissance. Ainsi du Japon que l’on disait promis il y a 20 ou 30 ans  a devenir le leader mondial indépassable. Le nécessaire équilibre économique et social en a décidé autrement. Les problèmes  environnementaux ont encore accru dernièrement les difficultés dans ce pays.
Preuve que l’on ne peut bousculer le rythme du développement humain comme nous le rappelle ce sage proverbe chinois : « Même avec neuf femmes, on ne peut faire un enfant en un mois ».

Puis-je conclure, cependant, en vous disant que pour moi la ville reste une chance pour l’avenir de notre planète, au même titre que les jeunes sont une promesse pour le futur, à condition bien sûr que les gouvernements locaux comme les chefs d’entreprise adaptent leurs politiques aux exigences de régulation économique, sociale et environnementale.
Au cours de l’histoire, toutes les grandes périodes de progrès de l’humanité, toutes les grandes civilisations se sont forgées grace aux villes. Athènes, Rome, Paris, Londres, New York, Tokyo, Shanghai ont été tour à tour de formidables foyers de dynamismes mondiaux, d’accélération de l’économie de la connaissance, de l’intelligence collective des hommes et des systèmes.
Plus modestement, nos deux villes soeurs de Suzhou en Chine et de Grenoble en Europe, ont misé sur le double objectif d’économie de la connaissance et de développement durable pour assurer leur avenir. Et pour ne citer que l’exemple que je connais le mieux, celui de ma propre ville, je peux vous dire que ce qui est le plus efficace pour attirer les décideurs économiques, au-delà de la qualité de notre recherche en nanosciences, en biotechnologie ou en nouvelles technologies de l’énergie, c’est l’existence d’une cité scolaire internationale où l’on peut poursuivre ses études en américain, en anglais, en allemand, en italien, en espagnol, en portugais et brésilien, en arabe et bientôt en chinois. C’est l’existence d’un réseau de tramway et de bus à haut niveau de service performant. C’est un musée de peinture et une salle de concert à rayonnement internationnal. C’est un environnement naturel permettant la pratique d’activités de montagne, hiver comme été.

Au fond, tout ceci m’autorise à plaider pour que les responsables des gouvernements locaux, et les maires en particulier, soient mieux entendus des responsables nationaux et internationaux pour construire de de façon plus harmonieuse, plus humaine, la société de demain.

Pour terminer mon propos, je souhaite une nouvelle fois remercier la ville autonome de Tianjin, capitale économique de la Chine du Nord, 5ème port mondial en eaux profondes, de nous avoir accueilli si chaleureusement.
Merci aussi au Comite France-Chine et à son président Jean-Pascal Tricoire ainsi qu’à l’Institut de politique étrangère du peuple chinois, principaux acteurs de l’organisation et de la réussite de cette 6ème Table Ronde des maires français et chinois.
Au nom des maires français, je souhaite donc dès maintenant à nos collègues chinois la bienvenue en France en 2012 pour la 7ème Table Ronde.