J’ai participé cette semaine à une intéressante réunion de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale sur la Turquie et la situation au Moyen-Orient, en présence de Mme Dorothée Schmidt, responsable du programme Turquie/MO de l’IFRI (Institut français des relations internationales) et de M. Hamit Bozarslan, spécialiste des minorités au Moyen-Orient à l’EHESS (Ecole des Hautes études en Sciences sociales).
Concernant le coup d’Etat raté en Turquie, il est très difficile, selon Dorothée Schmidt, d’avoir des informations fiables et de faire parler des opposants au régime.
Même si les circonstances restent encore assez floues, il est évident que le coup d’Etat n’était pas bien préparé. Le gouvernement turc en a tiré bénéfice en résistant à cette tentative de renversement, mais la reprise en main répressive interroge aujourd’hui largement, au-delà des opposants officiels.
L’image de la Turquie s’en trouve très endommagée, de l’Europe à la Russie, vu que la stabilité du pays est ébranlée et que le Président turc est in fine affaibli par le nombre des opposants que l’on découvre. Ce dernier tente de se remettre en selle au Moyen-Orient par le biais de son intervention en Syrie.
En outre, les tensions et violences au sein de la communauté turque en Europe, en Belgique, en Allemagne et même en France ne vont pas dans le bon sens pour faire avancer le dossier d’adhésion à l’Union européenne.
Pour Hamit Bozarslan aussi, il reste encore une grande part d’obscurité sur le déroulement du coup d’Etat.
L’information était connue du gouvernement mais celui-ci n’aurait pas su réagir rapidement à cause du délabrement des services…
Avec une société privée de ses repères, le chef de l’Etat procède par contournement des institutions et par voie référendaire. Aussi, étant donné la réaction actuelle du Président avec près de 30.000 personnes en prison, c’est à se demander si ce coup d’état n’est pas plus diffus que l’on pourrait le croire et s’il ne serait pas toujours en cours
Malgré tout, Erdogan n’a pas perdu sa popularité dans son pays, mais on ne peut écarter de nouveaux coups d’Etats avec notamment la présence croissante de groupes islamistes radicalisés. Il faut rajouter à cela le conflit avec les Kurdes qui a tourné au désastre jusqu’à fermer en partie les yeux sur Daech.
Que va faire la Turquie désormais ? En réalité, on ne sait pas sinon que cela risque de se terminer par une fin sanglante…
Face à cette situation, l’immobilisme de l’Europe est incompréhensible. Et de toute manière, l’Union ne pèse pas auprès des turcs, même aux yeux des universitaires…