Réception à l’occasion de la Fête nationale grecque

Mar 22, 2013 | 3e circonscription, Actualités, International | 0 commentaires

Hier soir, nous avons célébré avec un peu d’avance la Fête nationale grecque à l’Hôtel de Ville, en présence notamment du Consul de Grèce et de nombreux membres de la communauté hellénique de Grenoble, sans oublier les représentants du Corps Consulaire des Alpes du Nord. Ce fut un moment très chaleureux et convivial de partage, autour de la musique, de la danse et des chants traditionnels grecs.

Je vous invite à découvrir le discours que j’ai prononcé à à cette occasion.

 

 

Mesdames et Messieurs les Élus,

Monsieur le consul de Grèce,

Mesdames et messieurs les consuls,

Monsieur le président de la communauté grecque,

Madame Anastasia ROSSI, présidente de l’association Orphée

Mesdames et messieurs ,

Le 25 mars 1821 – il y a 192 ans – le métropolite de Patras, GERMANOS, faisait fuir les cavaliers ottomans venus l’arrêter grâce aux paysans accourus à son secours. Symbole de l’indépendance, cette journée est devenue fête nationale grecque. C’est elle que nous commémorons avec un peu d’avance ce soir en mairie de Grenoble.

Quel plaisir d’accueillir ici, dans la maison commune des Grenoblois, nos amis de la communauté grecque et les représentants des forces vives de notre ville pour fêter cette indépendance !

Cet événement s’inscrivit en effet dans la longue marche des peuples européens pour faire reconnaître leur droit à disposer d’eux-mêmes. Grenoble, la ville-berceau de la Révolution française, qui donna le signal de la libération des peuples, Grenoble, la ville cosmopolite et internationale aux regards tournés sur le monde, Grenoble ne pouvait que se sentir en sympathie avec monsieur le consul de Grèce, Michel HADJIMANOLIS, le président de la communauté grecque, Basile ZAMBALAS, et vous tous qui avez répondu à notre invitation. Quand on chérit la liberté, on se sent toujours bien parmi tous ceux qui célèbrent la leur, et je dois vous dire que ce soir je me sens grec. Comme tous ceux qui sont présents dans cette salle, quelles que soient notre nationalité ou notre confession, je vibre au souvenir du métropolite de Patras. Et qu’importe que son histoire soit sans doute plus un mythe fondateur qu’un récit véridique. Les mythes gorgent le monde d’une signification réelle. Ils disent nos espérances. Ils disent nos combats. Ils disent nos victoires.

La véritable histoire de l’indépendance grecque ne fut d’ailleurs pas moins belle. Je me garderais, devant une assistance avertie, d’en dresser le tableau exhaustif. J’en retiendrais cependant les soulèvements qui se produisirent du 15 au 20 mars 1821 sur la côte nord du Péloponnèse. Car c’est là, à l’aube du XIX ème siècle qui allait être celui de l’espoir en la liberté, qu’un peuple longtemps opprimé par l’empire Ottoman révéla à la face du monde que PERICLES avait des successeurs. Le 1er janvier 1822, la Grèce proclamait son indépendance. Bientôt même, elle avait l’audace de proclamer aussi la République avant d’être contrainte par les monarchies européennes de se doter d’un souverain.

Huit années de combats montraient la vaillance des Grecs soutenus par tous les défenseurs de la liberté – qui ne se souvient de Lord Byron venu combattre aux côtés des insurgés pour cet idéal ? La Russie, la Grande-Bretagne et la France s’alliaient à la Grèce – nos deux pays, monsieur le consul, ont alors scellé des liens d’amitié indissolubles.

Le 3 février 1830, enfin, le sultan Mahmoud II reconnaissait l’indépendance pleine et entière de la Grèce et entérinait les protocoles qui définissaient ses frontières. La Grèce renaissait deux mille ans après sa conquête par les Romains, qui furent suivis des Byzantins puis des Ottomans. Un peuple sûr et fier de son identité n’est jamais condamné par l’histoire, il lui suffit de croire en lui. Cette leçon vaut pour aujourd’hui. Nous en sommes, monsieur le consul, redevables à vos compatriotes.

On ne saurait pour autant s’en tenir à cette seule période de l’indépendance pour confier à la fois notre admiration et notre solidarité envers la Grèce. L’antiquité et l’actualité nous viennent en même temps à l’esprit. L’antiquité est un sujet qu’on pourrait rechigner à évoquer tant elle semble se prêter à des propos convenus. Et pourtant comment parler de la Grèce sans rappeler qu’elle fut le berceau de la philosophie et de la démocratie ? Toute la culture, toutes les idées, toutes les valeurs qui sont nôtres sont nées à Athènes et dans les cités grecques. Singulier destin que celui de ce petit peuple par la démographie, habitant une péninsule et des îles situées dans les recoins de notre continent, dont l’apport se joignit pourtant à celui d’un peuple tout aussi petit et tout aussi périphérique dans la Judée antique pour bâtir notre civilisation en une fructueuse rencontre de la raison et du monothéisme, qui explique la place particulière tenue par les Européens dans l’histoire du monde jusqu’aux premiers jours du XXI ème siècle. Nous sommes les héritiers de HOMERE, SOPHOCLE, EURIPIDE, ARISTOPHANE, XENOPHANE, SOCRATE, PLATON, ARISTOTE, THALES, XENOPHANE, PYTHAGORE et bien d’autres, anonymes, qui contribuèrent à la plus fantastique aventure intellectuelle de tous les temps. Si cet héritage est devenu universel et nous a faits ses légataires, nous n’oublions pas quels en furent les donateurs. C’est pourquoi – je le dis devant les représentants du corps consulaire en sachant qu’ils ne s’en offusqueront pas car ils partagent cet état d’esprit – nous recevons toujours la communauté grecque avec un sentiment de fraternité bien particulier.

C’est avec ce sentiment de fraternité que je voudrais vous inviter, mes chers amis, à faire front avec ténacité et malgré tout confiance aux épreuves qui accablent aujourd’hui la Grèce. Je ne m’étendrai pas sur le tableau que nous présente ce pays soumis à des plans draconiens imposés par le FMI et l’Europe, que nous ne pouvons, en France, sans doute pas imaginer et au regard desquels certains songent non sans raison au sacrifice d’Iphigénie, un acte, on s’en souvient, qui permit à ses auteurs de hisser les voiles vers leur propre salut, en construisant leur avenir sur la base d’une injustice. La grande dépression américaine dura quatre ans. La Grèce est entrée dans sa sixième année de récession, après avoir perdu depuis 2008 le quart de son produit intérieur brut. Les droits élémentaires de toute une génération – la jeune génération – ne sont plus assurés. La santé publique elle-même est menacée.

Les sacrifices sont de plus en plus durs, et surtout ils ne portent pas leurs fruits : les déficits de la Grèce n’ont pas disparu comme par le miracle qu’on nous avait hâtivement vendu.

Je ne vais pas vous dire ce soir que la Grèce pouvait indéfiniment poursuivre son destin sur une route faite de déficits et d’une gestion pas assez rigoureuse. Chacun, ici, est conscient qu’il fallait redresser la situation. Mais je veux réaffirmer avec force notre solidarité envers la Grèce confrontée à cette épreuve, une solidarité qui n’a rien à voir avec la compassion, mais qui se veut détermination à promouvoir d’autres solutions que celles qui sont aujourd’hui mises en œuvre. Il faut d’ailleurs pour cela rappeler que la crise actuelle est d’abord celle de la finance, qui a entraîné vers le fond notre économie en privant les Etats des ressources fiscales nécessaires à leur fonctionnement.

Il est paradoxal de voir érigés en donneurs de leçons et en juges de la Grèce les premiers fautifs de la crise dans laquelle se débat l’Union européenne.

Notre solidarité avec le peuple grec est totale. Parce qu’il ne sert à rien d’étrangler la Grèce avec une austérité qui réduit ses ressources et donc qui creuse son déficit. Parce que personne, à ce jour, n’a jamais pu remplir le tonneau des Danaïdes. A l’heure où le FMI est obligé de revoir ses modes de pensée en comprenant la pertinence des intuitions keynesiennes, ne laissons pas les prétendus médecins de la Grèce lui infliger des saignées comme les médecins de MOLIERE prétendaient guérir ainsi leurs patients. Echelons mieux l’apurement de la dette grecque, qui devra de toute façon faire l’objet de sacrifices de la part de ses prêteurs, et donnons à l’économie grecque les moyens de renouer avec la croissance, qui est le meilleur moyen pour rétablir les comptes publics.

La solidarité que nous exprimons est aussi la vocation de l’Union européenne. Dans le monde du XXI ème siècle, où seuls les grands ensembles feront l’histoire et assureront le bien-être de leurs populations, l’Europe a besoin d’être unie et elle ne le sera qu’en garantissant le soutien de tous envers chacun.

Il nous faut rassembler la grande famille des peuples européens pour surmonter ensemble la crise qui nous frappe. Ensemble nous devons affronter le présent pour bâtir ensemble, et le plus tôt possible, l’Europe de la prospérité, de l’innovation, du renouveau démocratique dont le monde a besoin.

Des esprits philosophiques ont publié depuis le début de la crise des  tribunes dans la presse pour dire qu’il fallait nous montrer solidaires de la Grèce en souvenir de PLATON et d’ARISTOTE. Je ne partage pas cette analyse. La principale richesse d’un pays n’est pas son patrimoine, c’est son peuple. Je suis pour ma part convaincu que nous devons être en réalité solidaires de la Grèce au nom des Grecs qui sont encore à naître, dans vingt ans, dans cinquante ans, dans cent ans, et qui contribueront à poursuivre avec nous la belle aventure européenne. Le génie grec ne s’est pas éteint. Il brillera encore longtemps dans ces futures générations que nous conserverons dans l’Union européenne. Ce génie particulier de la Grèce qui ne doit, ce soir, nous inspirer qu’une seule pensée, qu’un seul mot : elpis. Elpis, c’est-à-dire l’espoir dans le grec antique qui berça nos années d’études.

Et c’est avec cet espoir-là, Mesdames et Messieurs, que les Grenoblois partagent ce soir la joie des Grecs de fêter l’indépendance de 1822.

Vive le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes !

Vive l’amitié franco-grecque !

Vive notre ville cosmopolite !

Et vive l’Europe qui est notre avenir !