Je crois profondément qu’il n’y a pas de grande politique de solidarité, y compris et peut-être surtout en période de crise, sans donner un sens à la vie, sans émotion collective, sans éducation au beau, à la découverte des autres et du monde. Bref, sans grande politique culturelle.
Au moment où tous les esprits sont concentrés sur la relance après confinement, sur l’indispensable retour à la confiance, il me semble utile de rappeler l’impérieuse nécessité de résister aux coupes sombres de toutes natures qui font l’impasse sur ces grandes sources d’espérance partagée et même d’attractivité économique que sont les grandes politiques culturelles nationales comme locales.
J’aime beaucoup cette citation d’Auguste Rodin, que je veux, plus que jamais, partager avec vous: « L’art, c’est la plus sublime mission de l’homme puisque c’est l’exercice de la pensée qui cherche à comprendre le monde et à le faire comprendre ».
Je vous laisse découvrir la contribution de Jean Kaspar, ancien Secrétaire Général de la CFDT (en lien)
Michel
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La vie fait déjà éclore le monde de demain.
La période difficile que nous vivons est pleine d’enseignements et d’actes qui font éclore ce que peut être le monde de demain. Il y a là les germes d’un changement radical de paradigme.
En effet tout au long de notre histoire ce sont des croyances, des idéologies politiques ou des raisonnements financiers ou économiques qui tentaient de de nous entraîner vers un monde nouveau. Un monde plus riche pour les uns, plus juste, plus humain et plus fraternel pour les autres.
Ces croyances et ces idéologies nous ont mobilisés, voire opposés et dans certains cas, elles nous ont conduit aux pires déviances, voire aliénations et totalitarismes (religieux, politiques ou économiques).
Aujourd’hui par la propagation d’un virus c’est la vie qui fait éclore les germes d’un monde nouveau qui peut répondre aux attentes que portent en eux tous les humains quelles que soient leurs origines, leurs croyances et leurs cultures.
Nous prenons plus fortement conscience, à travers le monde, que le bien le plus précieux réside dans le bien-être et la santé, car sans santé point de développement économique. Ce bien dépend des moyens que se donnent les sociétés pour construire un système de santé efficient avec les moyens humains et techniques nécessaires, une recherche à la hauteur des défis, un État jouant pleinement son rôle en articulant, ses responsabilités avec celles du secteur privé et un engagement de chacun(e) d’entre nous, car la santé dépend aussi des efforts que nous faisons (ou pas). On prend mieux conscience que ce bien ne peut pas être être géré à l’aune ses seuls critères économiques classiques.
Nous mesurons aussi que, quelles que soient nos fonctions et nos compétences nous sommes de plus en plus confrontés à l’incertitude, aux risques d’erreurs, au provisoire et qu’il nous faut apprendre à gèrer cette incertitude avec la nécessaire modestie dans nos affirmations et convictions en recherchant toujours les modalités pour libérer toutes les paroles et intelligences et construire ensemble les bonnes réponses.
Dans les esprits progresse, me semble-t-il, l’idée que l’économie, les aspects financiers, les techniques et les technologies, sans négliger l’importance de chacune de ces dimensions, ne doivent être que des moyens au service de finalités qu’il nous appartient de définir ensemble alors que trop souvent ces aspects sont apparus comme des préalables à tout progrès humain.
Nous voyons éclore de multiples actes de solidarité, alors que nous étions aveuglés par le sentiment que l’individualisme étouffait ce ressort qui caractérise pourtant fondamentalement notre humanité. Solidarité dans les familles, entre voisins en particulier avec les personnes âgées ou isolées. Solidarité avec le personnel des hôpitaux (des restaurateurs qui réalisent des repas qu’ils distribuent aux personnels des hôpitaux ou encore, des hôteliers qui mettent à la disposition du personnel soignants des chambres pour leur permettre de se reposer à proximité de leur lieu de travail et d’éviter de contaminer leurs familles). Des entreprises qui réorganisent leurs activités ou leur production pour préserver la santé de leur personnel, qui mettent en place des fonds de solidarité, qui négocient avec les représentants du personnel sur les moyens à mettre en œuvre pour faire face à la situation ou qui décident de ne pas verser de dividendes aux actionnaires.
Nous avons aussi appris que s’il y avait des premiers de cordéesil y avait aussi « des premiers de corvées » (formule utilisée dans un texte de la fondation Jean Jaures) souvent mal rémunérés et reconnus, avec des conditions de travail difficiles (personnels de santé, d’entretiens, éboueurs, caissières…) et qu’il ne suffisait pas de les applaudir à 20h mais de poser les actes permettant de reconnaître leur utilité sociale.
Nous observons un État qui priorise différemment ses choix en mettant en place des dispositifs importants pour aider les salariés, soutenir les entreprises et qui recherche une coopération plus large au niveau Européen et International, et qui impulse une meilleure implication de son Administration et tente de créer une plus grande coopération entre les différentes collectivités territoriales (Régions–Départements–Communes). Des municipalités qui se mobilisent pour mettre en œuvre des initiatives au plus proche de la population.
Ces évènements nous montrent l’importance des associations pour répondre aux besoins des populations les plus vulnérables, fragilisées par les évènements de la vie. Par leur existence elles évitent que la déchirure du tissu social s’accentue. Leur fonction relève d’un véritable service public, elles doivent être davantage soutenues et valorisées.
Enfin nous voyons, des personnalités politiques, des philosophes, des sociologues, des responsables syndicaux, des chefs d’entreprises qui nous appellent, en s’appuyant sur l’analyse qu’ils font de la situation, à une approche plus coopérative du débat public.
La grande leçon que je tire des évènements que nous vivons depuis plusieurs semaines c’est que c’est la vie qui nous fait voir le chemin des transformations humaines, culturelles, économiques, sociales que nous devons emprunter.
Il nous faut rendre plus vivante nos sociétés, nos entreprises et nos organisations pour répondre aux grands défis de l’humanités. Certes ce chemin n’est pas facile, il rencontrera de multiples difficultés et résistances peu importe. Notre grandeur est dans notre volonté de l’emprunter….
Jean KASPAR 19-04-2020