N’asséchons pas les crédits des collectivités locales !

Août 5, 2012 | Actualités, Dans les médias | 0 commentaires

Tribune publiée par :

– Michel Destot, Député-Maire de Grenoble, Président de l’Association des Maires de Grandes Villes de France ;

– Claudy Lebreton, Président du conseil général des Côtes- d’Armor et de l’Assemblée des départements de France ;

– Patrick Bernasconi, Président de la Fédération nationale des travaux publics

Bloquer l’exécution des budgets des collectivités locales par assèchement du crédit bancaire revient à tirer un trait sur des équipements de proximité attendus par nos concitoyens. Cela équivaut, aussi, à mettre en péril l’entretien des infrastructures existantes. Et surtout, cela conduit à détruire des emplois par milliers.
Pour les donneurs d’ordre que sont les collectivités, l’asphyxie financière induite par la raréfaction du crédit est synonyme de report des projets. Pour leurs partenaires que sont les entreprises de travaux publics, elle impacte immédiatement leurs carnets de commandes. Il faut savoir que pour chaque milliard d’euros d’investissement dont la mise en oeuvre est ajournée, ce sont 7 500 emplois dans les PME du secteur qui sont menacés ou supprimés.

Nous avons donc toutes les raisons d’être inquiets face au risque d’assèchement du crédit bancaire résultant du démantèlement de Dexia. Nous le sommes en tant que gestionnaires locaux. Mais nous le sommes encore davantage en tant qu’élus et acteurs économiques préoccupés de la situation de l’emploi. Car, ne pratiquons pas la politique de l’autruche, cette année et celles qui suivent, plusieurs milliards d’euros vont manquer pour l’investissement local, si aucune solution pérenne n’est trouvée. Avec les conséquences que l’on sait sur un tissu d’entreprises fragilisé et sur un secteur fortement pourvoyeur en emplois non délocalisables.

Trop longtemps, les pouvoirs publics ont cherché à minimiser cette crise. Tout au plus appelaient-ils la Caisse des dépôts à intervenir en pompier lorsque l’incendie devenait trop menaçant. C’est bien sûr salutaire et le gouvernement a eu raison de débloquer, le 12 juillet, une enveloppe de 3 milliards d’euros supplémentaires sur les fonds d’épargne de la Caisse des dépôts. Mais chacun sait que ces opérations présentent un caractère « exceptionnel » et ne sont pas éternellement reconductibles. Il faut pérenniser le système de financement de l’investissement local. A cet égard, nous ne pouvons que saluer les récentes déclarations du gouvernement qui vont dans ce sens. Le temps des choix et des actes est venu ! Il n’existe pas de solution unique qui réglerait globalement et définitivement cette crise de financement de l’investissement local. Les solutions pérennes doivent, à l’évidence, être multiples.

Assurer ce financement passe par la création d’une vraie banque publique de l’investissement local. Avec une gouvernance unique et claire, des équipes commerciales performantes et un actionnariat qui pourrait être partagé entre Caisse des dépôts, Banque postale et Etat. Le statut public de cette banque est la contrepartie de l’obligation pour les collectivités de placer leur trésorerie au Trésor public. Il s’agit donc d’abandonner le schéma de joint-venture imaginé, dont chacun comprend qu’il ne fonctionnera jamais, pour opter pour un schéma plus simple et surtout opérationnel.

Il est aussi indispensable de mettre sur les rails l’Agence de financement des investissements locaux, projet que portent les huit principales associations d’élus locaux, afin d’offrir aux collectivités de nouvelles opportunités d’emprunt dans un esprit de solidarité et de cohésion territoriale.

Banque publique dédiée et agence de financement sont les deux faces d’une même pièce. Elles participent d’un objectif : sécuriser durablement le financement des investissements publics locaux. Objectif que poursuivent les collectivités locales, comme les entreprises de travaux publics. Banque publique et agence de financement sont aussi différentes qu’elles sont complémentaires. Différentes par leur actionnariat, par leur mode de refinancement. Complémentaires, parce qu’elles visent à diversifier les sources de financement de l’investissement local. Comme le souhaite d’ailleurs la Cour des comptes, si l’on se réfère à son récent rapport sur « l’Etat et le financement de l’économie ».

Enfin, et parce que ces pistes n’épuisent pas toutes les solutions et ne permettent pas d’assurer, à elles seules, le financement des collectivités, il faut veiller à ce que le volume de prêts octroyés par les banques en faveur du secteur public local se maintienne à son niveau actuel, ce qui ne relève pas de l’évidence – c’est un euphémisme – dans le contexte des nouvelles contraintes de liquidités, contraintes dites de Bâle III.

Voilà les défis que le gouvernement doit relever dans les meilleurs délais s’il veut éviter une crise majeure du financement du secteur public local, et de son investissement. Crise qui entraînerait des pans entiers d’un secteur d’activité réputé réactif et créateur d’emplois. Il y a urgence. Reprécisons l’actionnariat et l’architecture de la Banque publique de l’investissement local. Donnons le feu vert à l’examen parlementaire du projet de loi portant création de l’Agence de financement. Le pire peut et doit être évité. Agissons de concert