Le mot est désormais celui qui désigne le plus grand cataclysme humain du 20ème siècle. C’est le titre d’un film de 9h30. C’est l’œuvre d’un homme, Claude Lanzmann, qui nous a quittés le 5 juillet dernier.
C’est Simone de Beauvoir, si proche de lui, qui a su, mieux que quiconque, en parlait: « Il y a de la magie dans ce film, et la magie ne peut pas s’expliquer…Le grand art de Claude Lanzmann est de faire parler les lieux, de les ressusciter à travers les voix et, par-delà les mots, d’exprimer l’indicible par des visages ».

Dans son livre autobiographique « Le lièvre de Patagonie » que j’ai dévoré, il relate l’année 1938 où « la peur régnait » au point que, lycéen, il en était arrivé à nier qu’il était juif.
Et c’est Jean-Paul Sartre « le plus grand écrivain français » qui « m’a guéri et délivré de la honte » devait-il écrire à propos des Réflexions sur la question juive. « Je me sentais littéralement revivre à chacune de ses lignes ou, pour être plus précis, autorisé à vivre ».

Militant engagé, adhérant aux Jeunesses Communistes à 18 ans, pendant la guerre, organisateur de la résistance à Clermont-Ferrand, puis plus tard soutien à la cause algérienne, défenseur acharné d’Israël, grand amateur de décorations (je l’ai vérifié moi-même en lui remettant la grande médaille de la Ville de Grenoble) et en même temps anarchiste dans l’âme, Claude Lanzmann restera pour moi un homme exceptionnel, car passionnément vivant.

Bien sûr, il aimait passionnément les femmes, le cinéma, la politique.
Mais selon sa propre expression « la guillotine – plus généralement la peine capitale et les différents modes d’administration de la mort – aura été la grande affaire de ma vie ».
C’est cet attachement indestructible à la vie qui lui a permis d’être l’auteur de « Shoah ».

À François Mitterrand qui le recevait un soir alors qu’il était très affaibli par son cancer, et qui l’interrogeait « Lanzmann, qu’est-ce que la mort? », il avait confié « c’est un scandale absolu, Monsieur le Président ».