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Nov 23, 2014 | Actualités, Non classé | 0 commentaires

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MICHEL DESTOT “L’IMMOBILISME AURA DES CONSÉQUENCES SUR GRENOBLE”

ENTRETIEN – Après plusieurs mois de silence sur l’actualité municipale de Grenoble, Michel Destot, l’ancien maire de la ville, exprime désormais son « inquiétude » quant à la politique menée par son successeur, Eric Piolle. Il commente également la politique gouvernementale et les conflits internes au parti socialiste. Enfin, Michel Destot livre quelques éléments sur son avenir politique personnel.

Photo : Nils Louna – placegrenet.fr Interactivité : Victor Guilbert – placegrenet.fr

Après seulement sept mois de mandat de la nouvelle majorité municipale, vous vous dites « inquiet » pour la ville de Grenoble. N’est-ce pas prématuré ?

Si Eric Piolle était venu à la dernière édition des trois jours cyclistes de Grenoble, il se serait rendu compte que la plus grande difficulté, c’est l’épreuve du sur place. C’est la même chose en politique. Une ville qui n’avance plus recule.

J’observe une confusion dans les messages passés. Quelle décision a-t-il prise concernant la vidéosurveillance ? Pourquoi avoir retiré la passerelle du projet de pôle-gare alors que cet équipement était accessible à tous, notamment aux personnes à mobilité réduite ? Pourquoi privilégier un parking et une autoroute au détriment d’un parc et de nouveaux logements sur l’Esplanade ?

Le transfert de voix entre les deux tours laisse plutôt penser que les Grenoblois auraient préféré une union de la gauche.

Les Grenoblois, comme partout en France, ont montré leur désappointement envers la politique gouvernementale. C’est la raison principale de notre échec. L’exception de Grenoble, c’est que la droite n’était pas assez forte pour récupérer la ville. Les voix se sont donc cristallisées soit sur l’abstention, soit sur Eric Piolle.

Quels sont les autres facteurs qui ont, selon vous, conduit à l’échec de votre liste ?

La cause principale est le vote anti-gouvernemental ! Nous devons aussi regarder comment s’est déroulée la campagne et comment a été montée la liste. Si tout avait été parfait, peut-être aurions-nous mieux résisté.

Il n’y a pas eu de problème de timing. Je m’étais engagé à ne plus cumuler de mandats dans le temps, ni dans les fonctions. En 2008, j’avais choisi Jérôme Safar pour me succéder en l’installant au poste de premier adjoint, d’adjoint aux finances, à la politique de la ville et à la sécurité. On a fait la même chose qu’ailleurs en France, comme à Paris ou à Rennes, où ça a fonctionné.

La Métro vient d’acter la deuxième étape de la métropolisation en absorbant les compétences économique, touristique et de voirie. Vous avez contribué à l’obtention du statut de métropole. Regrettez-vous de ne pas pouvoir participer désormais à sa construction ?

C’est une des raisons pour lesquelles j’ai souhaité passer la main. Il était temps de mettre en place une équipe nouvelle. J’ai eu un mandat intense de négociations sur la métropole. Il fallait une équipe nouvelle pour un mandat de fabrication, avant le passage au suffrage universel direct en 2020.

C’est une chance d’avoir obtenu le statut de métropole, alors que Grenoble n’est pas une capitale régionale. C’est un bon outil pour une nouvelle attractivité. L’écosystème grenoblois — à travers les pôles de compétitivité et les startups — doit y jouer un rôle moteur.

Mais il n’y a plus de temps à perdre pour la développer. Les négociations ne doivent pas s’enliser, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui avec le Conseil général de l’Isère. L’exécutif métropolitain ne négocie que sur un point, celui des déplacements, alors que la négociation doit être globale pour le transfert de compétences et la montée en gamme de la métropole. Le problème ne se résoudra pas seulement par de grandes déclarations polémiques en public.

Craignez-vous que l’exécutif métropolitain soit trop concentré sur l’échéance de la métropolisation au 1er janvier 2015 pour anticiper les enjeux de moyen terme ?

Il ne faut pas jouer aux billes, mais aux échecs ! Avoir toujours un coup d’avance. La métropole ne doit pas être bâtie en dressant les uns contre les autres. Il doit y avoir un consensus politique entre les partis démocratiques et républicains pour que son action ne soit pas remise en cause en cas d’alternance.

Vous faites partie de ceux qui souhaitent élargir davantage le périmètre de la métropole. Pourquoi ?

J’avais souhaité que la loi fixe deux indices démographiques pour définir les métropoles. Une communauté d’agglomération d’au moins 400 000 habitants, mais dans une aire urbaine d’au moins 650 000 habitants. Cela représentait, si j’ose dire, le point de départ et le point d’arrivée pour aboutir au bassin réel d’emplois, de déplacements et de logements de la métropole qui inclut, dans notre cas, le Voironnais ou le Grésivaudan par exemple.

C’est un enjeu d’efficacité et de mutualisation des compétences mais aussi de politique électorale. Car le périurbain fait partie des territoires du pays les plus mordus par le Front national. Ce sont des zones qui ont longtemps été reléguées.

Les populations se sont installées dans le périurbain avant de se rendre compte que ce qu’elles économisaient sur l’habitat, elles le perdaient en déplacements. Par conséquent, ces foyers choisissent souvent de réduire leurs déplacements. Ils ne se déplacent plus pour les loisirs et de moins en moins pour les visites familiales. C’est du lien social qui se perd et qui conduit au repli sur soi.

Sociologiquement, 61 % des habitants d’une agglomération travaillent sur une autre commune que celle où ils vivent. Quand on ne fait que « loger » sur sa commune, on vote en fonction du prisme d’usage que l’on a de cette ville. Cela pousse aux aspects résidentiels, à la tranquillité absolue plutôt qu’à un équilibre de vie par la mixité sociale et une diversité d’équipements publics.

Dans le même temps, les moyens des collectivités locales s’amenuisent avec la réduction des dotations de l’État. Cela représente 5,5 millions d’euros en moins chaque année pour la seule ville de Grenoble. Cet effort budgétaire demandé aux collectivités est-il légitime ?

Les collectivités territoriales doivent accompagner l’État dans le redressement de son économie. Mais l’effort demandé ne doit pas tuer les possibilités de développement. Onze milliards d’euros d’économies en seulement trois ans, c’est trop rapide et trop fort. Cela va provoquer la baisse de l’investissement et, par conséquent, celle du développement économique, de la croissance et de l’emploi.

C’est tout l’enjeu de la réforme territoriale. Mais les économies substantielles — inhérentes à une suppression d’échelon territorial — ne seront pas possibles à court terme. Elles sont envisageables seulement à une échelle de 10 ou 15 ans.

François Hollande est à la moitié de son mandat présidentiel. Alors que les indicateurs sur lesquels il souhaite être jugé en 2017 (chômage, croissance, déficit) ne répondent pas aux promesses, son mandat peut-il encore être sauvé ?

En politique, tout est toujours possible ! Les résultats ne sont pas au rendez-vous, créant de l’inquiétude et de la désespérance aux yeux des Français. La situation nationale est source de désenchantement. Mais c’est un paradoxe, car la France à des atouts. C’est le pays le plus fréquenté touristiquement et notre capacité de création et d’innovation par habitant figure dans le top mondial. Notre difficulté, c’est la compétitivité individuelle et collective.

Les divisions publiques que nous avons connues dans le gouvernement ou le manque de coordination des déclarations de chacun donnent une impression d’incohérence. J’ai suggéré au président de la République d’être plus précis dans le message adressé aux Français. Le cap doit être le redressement économique et social du pays, à travers notamment la reprise de la croissance et donc de l’emploi. Pour cela, il faut formuler des propositions compréhensibles par tout le monde et pouvant donner des résultats concrets rapidement. J’ai, par exemple, proposé de faire une grande cause nationale de la lutte contre le décrochage scolaire.

François Hollande a fait sa campagne électorale sur les deux thèmes de la jeunesse et de l’éducation, mais ce sont plus de 140 000 jeunes qui quittent encore chaque année le système éducatif, sans qualification ni diplôme. C’est une catastrophe morale pour eux et une catastrophe sociale et économique pour notre pays. Beaucoup de projets ont été menés, comme les écoles de la deuxième chance ou le service civique. Mais faute d’en avoir fait une priorité nationale, il n’y a pas eu de dynamique commune mobilisant les moyens, les effectifs et les bonnes volontés pouvant donner des résultats satisfaisants.

En instaurant une grande cause nationale de lutte contre le décrochage scolaire, cela permettrait de fixer une réduction à 100 000 décrocheurs l’an prochain, 80 000 l’année suivante et ainsi de suite, de manière à le réduire de moitié au bout de son quinquennat. Ce serait atteignable, crédible et mobilisable.

Et en multipliant des actions concrètes de ce type avec des résultats probants, cela contribuerait à sauver le mandat.

Les États généraux du Parti socialiste se déroulent actuellement dans un contexte de scission. Figurez-vous parmi les esprits critiques de la ligne gouvernementale, comme Martine Aubry, qui appelle à « une réorientation de la politique économique », ou Michel Rocard qui recadre Manuel Valls sur ses propos de « la gauche passéiste » ?

Le Parti socialiste a toujours eu des sensibilités, des courants ou des motions. Je suis contre un parti uniforme, mais pour qu’il y ait du débat en son sein. Car le rassemblement n’est possible que s’il y a une discussion. La fronde qui existe actuellement est un moyen d’exiger ce débat. Le refuser en exigeant de ne voir qu’une seule tête est une stratégie qui ne tiendra jamais. Surtout compte tenu de ce qu’est la France et de ce qu’est la gauche.

Ma famille politique représente 110 ans de repères historiques. Comme l’écrit Michel Rocard, durant tout ce temps, il y a eu des conflits majeurs et plusieurs modèles politiques qui ont existé : le capitalisme prédateur, le communisme, le fascisme et la sociale démocratie. Mais cette dernière est la seule qui n’a pas été déshonorée dans le crime et le manque de liberté. Rien que pour ça, et en dépit de toutes les difficultés, le socialisme doit garder nom, emblème et drapeau !

Plus que le symbole du changement de nom du parti, Manuel Valls incarne une réorientation sociale-libérale du PS. Cela ne correspond-il pas aux enjeux contemporains ?

Notre société a fondé beaucoup d’espoirs sur la politique de l’offre plutôt que sur celle de la demande, alors qu’un meilleur équilibre entre les deux aurait été moins catastrophique pour les pays du sud de l’Europe et plus efficace pour faire remonter la courbe de l’emploi. Barack Obama, même s’il vient d’être battu électoralement, a obtenu des résultats grâce à un équilibre subtil entre des dépenses et des capacités de redressement économique.

Tous les grands défis sont d’ampleur mondiale ou internationale : le défi économique avec la mondialisation, le défi social avec les flux migratoires et le défi climatique. Marx avait au moins le mérite d’avoir bossé dur pour analyser le capitalisme dominant de son époque et son dépérissement, sans se tromper. Nous manquons aujourd’hui d’idées pour répondre à ces enjeux globaux. C’est dans la sociale démocratie que la gauche doit trouver ses solutions, en refusant d’accompagner le capitalisme financier et le gauchisme, qui naît des révoltes sans apporter de solutions.

Pour finir, comment voyez-vous votre avenir politique ?

Il me reste un peu d’énergie intellectuelle et physique. Grenoble, c’est ma ville. Je veux remplir mon engagement de député, autant sur ma circonscription qu’à la Commission des affaires étrangères.?Par mon parcours de chef d’entreprise et de député-maire d’une grande ville de France, j’ai acquis quelques compétences, notamment en matière de diplomatie économique. Je souhaiterais les mettre à profit sur de nouveaux champs d’action, comme la santé et les rapports Nord-Sud. Ce sont les priorités sur lesquelles je veux poursuivre mon engagement.

Plus concrètement, vous vous taillez un profil de diplomate, voir d’ambassadeur. Avez-vous des pistes ?

Toujours y penser, jamais en parler, c’est la meilleure chance d’y arriver. L’engagement public, c’est comme la montagne. Cela tourne dans la tête, jour et nuit.

Propos recueillis par Victor Guilbert Photos : © Nils Louna – placegrenet.fr

Extrait d’ouvrage choisi par Michel Destot :

Le sourire de Mandela, de John Carlin

« Mandela. Plus qu’un combattant, un héros, un leader, un génie politique. Un homme au­dessus des hommes. Après vingt­sept ans d’emprisonnement, d’autres auraient abandonné la lutte. Mais lui, le combattant inlassable en faveur des droits de l’homme, futur prix Nobel de la paix, a su puiser en lui des forces insoupçonnées pour résister et triompher. Il a pardonné à ceux qui l’avaient privé de liberté. Il a su trouver les mots pour pacifier une nation à feu et à sang. Par son exemple, il a fait taire la violence, il a imposé à tous les conditions d’une société multiraciale vivant en paix. Madiba. Son nom tribal inspire l’admiration et l’affection. Tous ceux qui l’ont côtoyé sont tombés sous son charme. Ses ennemis d’hier sont souvent devenus ses amis. »

Son commentaire de lecture :

J’ai eu la chance d’accompagner François Mitterrand en Afrique du Sud durant l’été 1994. Quand Nelson Mandela m’a salué en accueillant la délégation française, je me suis présenté à lui en mentionnant que j’étais un cousin de Max Coleman, un député et membre de son parti ANC luttant contre l’apartheid. Sur le tarmac de Johannesburg, Nelson Mandela m’a alors embrassé. C’était un moment rempli d’émotions car il fait partie des grands personnages de l’histoire. Son sourire était extraordinaire.