Carnet de voyage : la Chine en 1985 (2/5)

Mai 9, 2013 | Actualités, International | 0 commentaires

Retrouvant des notes de mon premier voyage en Chine, en 1985, à l’occasion d’un symposium organisé à Pékin par l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique, il m’a semblé intéressant de les publier sur mon blog. On peut mesurer, avec le recul de 28 années, le chemin parcouru par « l’empire du milieu ». Depuis, j’ai eu l’occasion de retourner plusieurs fois en Chine, notamment pour la coopération entre Grenoble et sa ville sœur de Suzhou, pour les tables rondes entre maires chinois et français et dernièrement avec François Hollande pour la première visite d’État après le 18eme congrès du PCC d’un dirigeant occidental.

J’aurai l’occasion d’y retourner prochainement à deux reprises : pour une rencontre des maires des grandes villes à Yangzhou, puis à l’occasion de la mission de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, mission dont je suis le rapporteur. Autant dire que nous aurons de multiples occasions de revenir sur ce pays-continent qui va profondément marquer notre 21eme siècle.

Mercredi 1er mai 1985

Nous ayant fait fermement comprendre que nous n’étions pas conviés à la grande manifestation de la place Tienanmen, ce sera donc un départ à 7h en taxi pour la grande muraille. Trafic important à cette heure matinale et en cette journée fériée: voitures officielles et taxis, camions, bus et surtout une multitude de vélos. C’est à croire que les Pékinois ont RV dans la rue ! La grande muraille est atteinte en moins de 2 heures. Le pèlerinage peut commencer dans une affluence indescriptible mais bon enfant. On photographie de partout, le matériel japonais ayant fait plus d’un adepte…

Sur le chemin de retour à pied, j’échappe de peu à ce qui aurait pu devenir tragédie. Entrainé par la foule dans un tunnel creusé sous la grande muraille et coincé violemment contre la paroi par une voiture engagée malencontreusement dans cet endroit, je parviens, au prix d’un effort quasi-désespéré, à me hisser sur le toit du véhicule et à m’extirper finalement de ce très mauvais pas. L’après-midi sera consacré à la visite des tombeaux des Ming, en présence d’une foule toujours grouillante, nous empêchant d’apprécier réellement les vestiges historiques. L’habillement se diversifie et s’occidentalise. Au-delà des traditions, on devine un peuple mû par un orgueil et une organisation qui me fait parier que ce pays-continent d’un milliard d’individus prendra demain le dessus.

 Jeudi 2 mai 1985

Reprise du meeting avec deux papiers chinois, présentés dans un anglais absolument incompréhensible. Mais avec un peu d’imagination et beaucoup de diplomatie, on fait mine de suivre… C’est au tour de l’Allemand dans une tenue vestimentaire bien peu élégante, hors de saison, qui aurait pu le ranger à l’Est. Lui succède le Hongrois. Un physique à la Felipe Gonzales, une assurance de cador, pour nous faire croire qu’il a le meilleur réacteur expérimental du monde. En réalité, l’équipement  est beaucoup plus modeste. Mais c’est un peu la loi du genre dans ces symposiums internationaux où chacun a à cœur de valoriser son pays. Tous les Chinois demeurent les yeux rivés sur les projections, transparents et diapositives. Quelle intensité dans le regard, mélange de curiosité et de candeur ! Jamais un signe de doute ou une expression critique. Comment est-ce possible ?

Soirée dans un théâtre du centre ville, à deux pas de la place Tienanmen, plus impressionnante que la place rouge de Moscou ou la place verte de Tripoli, plus surprenante aussi avec les portraits géants de Staline et Lénine face à celui de Mao. Au programme, spectacle de cirque avec acrobatie, jonglerie et magie. Tel qu’on l’imagine.

 Vendredi 3 mai 1985

C’est la dernière journée du meeting.

Les Chinois disposent de trois réacteurs expérimentaux: un réacteur de recherche de 20 MW, une pile piscine de 2 MW et un petit réacteur d’essai de 20 KW en fonctionnement depuis  un an et que nous partons visiter. L’exploitation se veut informatisée; on reste cependant confondu devant l’extrême simplicité du matériel. Le moindre laboratoire universitaire français dispose d’infiniment plus de moyens électroniques et d’appareillage d’analyse numérique. Le plus préoccupant reste cependant l’absence quasi-totale de contrôle de sécurité et de sûreté. Dosimétrie et radioprotection semblent inconnues… Et l’on reste désarmé par cette apparente insouciance, largement emportée par l’enthousiasme et la passion de ces jeunes chercheurs chinois, tout à leurs premières découvertes, étonnés eux-mêmes de voir leur réacteur capable de diverger ! On devine chez eux une telle envie de progresser, une telle volonté de communiquer qu’on a du mal à imaginer qu’ils en resteront là…

Réunion conclusive du meeting avec l’établissement des recommandations de l’AIEA pour les réacteurs expérimentaux. Échanges de cadeaux mêlés de beaucoup de sentiments et du regret de se quitter…

 

A suivre…