Ce matin, j’ai participé à la cérémonie d’hommage à Raymond Perinetti, ancien Maire de Grenoble et Résistant connu sous le nom de « Colonel Brun », à l’occasion de la commémoration du centenaire de sa naissance. Cette cérémonie patriotique du souvenir, organisée par la Ville de Grenoble et l’ANACR (Association nationale des anciens combattants et amis de la Résistance), se voulait un hommage rendu non à la force des armes mais à l’amour de l’humanité qui inspira sa vie entière Raymond PERINETTI. Mon prédecesseur fut en effet un homme engagé, dans tous les sens du terme, tout au long de son parcours tant professionnel que syndical, politique ou associatif. Cet engagement est aujourd’hui poursuivi par sa fille, Martine PETERS, qui est un des piliers de l’ANACR et que j’ai tenu à saluer tout particulièrement.
Je vous invite à prendre connaissance du discours que j’ai prononcé à cette occasion :
« En pensant à mes camarades morts, à ceux que j’ai connus, à ceux que je n’ai pas connus, en pensant aux sacrifices que des hommes et des femmes ont consentis, j’ai un dernier souhait à faire, c’est que le sacrifice de ces hommes et de ces femmes serve au moins à ce que l’humanité ne connaisse plus jamais la guerre ».
Ainsi s’exprimait Raymond PERINETTI dans ses mémoires. A l’heure où nous sommes venus rendre hommage au « colonel BRUN », un des chefs de la Résistance dans notre région, il est bon de nous souvenir que cet homme qui prit les armes pour la Libération de notre pays était plus que tout attaché à la paix. Ce sont des hommes comme cela, qui ont fait la guerre sans jamais l’aimer, qu’il nous faut honorer.
Cette cérémonie patriotique du souvenir, à laquelle la Ville de Grenoble vous a conviés aux côtés de l’ANACR, se veut un hommage rendu non à la force des armes mais à l’amour de l’humanité qui inspira sa vie entière Raymond PERINETTI.
Mon prédécesseur aura été un homme engagé au meilleur sens du terme. Dès l’enfance, il se trouve confronté à l’injustice. La révolte qu’elle lui inspirera ne sera cependant jamais individuelle : il la manifestera en éprouvant toujours un grand sens de la solidarité vis-à-vis des autres victimes de toutes les injustices. Raymond PERINETTI est né il y a tout juste 100 ans dans une famille pauvre du Val d’Aoste. Son père meurt alors qu’il n’est qu’un enfant. En 1924 la misère le pousse avec sa mère à émigrer en France. Ils rejoignent Grenoble, terre d’accueil traditionnelle des travailleurs italiens, qui voit alors aussi affluer les réfugiés anti-fascistes qui grossiront vingt ans plus tard les rangs de la résistance grenobloise. Notre pays, alors, n’avait pas peur de tous les étrangers. Notre pays, alors, se montrait fidèle à sa vocation de grande nation ayant confiance en ses idéaux républicains, qui en avaient fait un modèle pour le monde entier.
Raymond PERINETTI s’engagea très tôt en politique. Dès 1927, à l’âge de 16 ans , il adhére aux Jeunesses Communistes. Très jeune, il acquiert de grandes responsabilités sur les plans politique et syndical. En 1938, enfin, en devenant français il rejoint la communauté nationale qu’il allait si vaillament servir.
C’est la Seconde guerre mondiale qui fera basculer son existence. Arrêté dès novembre 1940, Raymond PERINETTI est emprisonné à Fort Barraux. Dénaturalisé par les lois scélérates du régime de Vichy, il se voit transféré au camp du Vernet où il fera l’objet d’une surveillance accrue. Une ruse lui permettra cependant de s’évader en février 1943. Raymond PERINETTI retrouve ses amis Paul BILLAT et LAMBERT à Malleval en Vercors, où il jette les bases du premier maquis FTP de l’Isère. Dès juillet 1943, basé sur Saint-Etienne, il devient le commandant inter-région FTP pour la Loire, le Rhône, la Haute-Loire et le Puy de Dôme. Cet homme qui aura tant marqué notre agglomération par ses engagements politiques et syndicaux ira faire la guerre en dehors de Grenoble. Mais il était normal que notre ville, qui a reçu des hommes venus de toute l’Europe pour lutter avec elle contre l’occupation nazie, ait envoyé quelques-uns de ses fils combattre sur d’autres théâtres de guerre. Comme Jacques BOURDIS engagé dans les Forces Françaises Libres en Afrique, Raymond PERINETTI sera allé prouvé ailleurs l’amour de la liberté des Grenoblois.
Il se distingue bientôt par ses qualités remarquables d’organisateur. Raymond PERINETTI a l’âme d’un chef. A la fin de l’année 1943, le voilà appelé à l’état-major des FTP de la zone sud, qu’il représente au sein du Front National – le vrai Front National, celui qui combattait l’extrême-droite. A peine quelques mois plus tard, à l’été 1944, colonel FFI sous le nom de « colonel BRUN », Raymond PERINETTI entre dans Lyon libéré à la tête du 1er régiment FFI du Rhône.
Dès sa démobilisation il revient vivre à Grenoble, où il reprend ses activités militantes. Il devient le secrétaire fédéral du Parti Communiste de l’Isère en 1947. L’année suivante il entre au Conseil municipal de Grenoble. Il est élu maire de notre ville le 20 décembre 1948 avant de céder un mois plus tard son fauteuil à Léon MARTIN.
Raymond PERINETTI est un esprit libre, pétri des idéaux de la Résistance. Cela lui vaut en 1950 un désaveu de son parti. Il cesse alors d’être un permanent communiste et s’installe à son compte comme artisan.
Il ne renonce pas pour autant à son militantisme. La cause de la paix sera la grande raison d’être de son existence jusqu’à son dernier souffle. Il connaît trop les horreurs de la guerre après l’avoir faite. A la demande d’Yves GARGE, Raymond PERINETTI est l’un des fondateurs du Mouvement pour la Paix. Il sera toute sa vie un infatiguable propagandiste de la fraternité entre les hommes. Devenu secrétaire non permanent du Conseil Mondial de la Paix siégeant à Helsinki, il voyage dans le monde entier pour porter cette parole.
Dans le même temps, il demeure naturellement fidèle au souvenir de la résistance, président durant tant d’années l’ANACR de l’Isère. Ce combat pour la mémoire est aujourd’hui poursuivi par sa fille Martine PETERS, qui est un des piliers de l’association des amis de l’ANACR.
Cette vie, cette belle vie tout entière mise au service des autres, s’est éteinte il y a 21 ans. Mais Grenoble n’a pas oublié Raymond PERINETTI. Nous avons donné son nom à une place. Et nous sommes aujourd’hui rassemblés pour célébrer le 100 ème anniversaire de sa naissance. Certes, comme tout autre cette vie fut faite de choix qu’avec le recul du temps certains pourront ne pas tous partager. Lui-même écrivait dans ses mémoires que son chemin – et c’est là le propre de toute destinée humaine – n’avait, je le cite, « pas été sans faute ». Mais il proclamait dans la même phrase que si c’était à refaire il referait ce même chemin. Et comment ne pas l’approuver ! Ce chemin était celui de la solidarité, celui de la fraternité, en un mot, dans ses valeurs profondes celui de l’humanisme. Comme ses camarades de combat de la Résistance, qui fut une armée auto-levée composée des meilleurs individus de leur génération, Raymond PERINETTI aura été avec ses camarades un moment de la conscience humaine incarnée dans une geste héroïque.
Je forme très sincèrement le vœu que son souvenir continue de nous inspirer dans nos actes présents. A l’heure où l’on cherche à nous faire croire que la France voudrait se replier sur elle-même et stigmatiser les étrangers, à l’heure aussi où une économie faite pour le profit de quelques-uns brise de plus en plus d’êtres humains et menace le plus grand nombre, les valeurs qui furent celles de Raymond PERINETTI nous montrent plus que jamais le chemin à suivre.