Spoliés !

Juin 1, 2010 | 3e circonscription, Actualités | 0 commentaires

spoliesSi Grenoble peut s’enorgueillir d’avoir été un haut lieu de la Résistance et d’être l’une des cinq villes compagnon de la Libération, il est tout aussi important et nécessaire de faire face aux pages les plus sombres de la Seconde Guerre mondiale. En effet, à Grenoble comme sur tout le territoire français, Vichy et son administration mirent en œuvre une législation antisémite implacable, multipliant les mesures d’exclusions, d’interdictions et de dépossessions, reléguant les Juifs au ban de la société. Ces mesures constituèrent une première étape dont il est indispensable de souligner qu’elle contribua ensuite à la mise en œuvre de la « solution finale ». Ici, comme sur tout le territoire, les rafles furent organisées par l’Etat français et leurs victimes remises aux nazis afin qu’elles soient déportées vers les usines de mort érigés pour détruire les Juifs d’Europe.

Pourtant, cette histoire demeura longtemps mal connue. C’est pour cette raison qu’en 1997, le Gouvernement décida de créer une Commission sur la Spoliation des Biens Juifs, la Commission Mattéoli. Grenoble, comme quelques autres villes de France, décida alors de créer une commission municipale d’enquête sur la spoliation des biens juifs, montrant sa volonté de faire le jour sur le sujet et de savoir comment, localement, fut mise en œuvre l’ « aryanisation économique », entreprise visant à déposséder systématiquement les familles juives de leurs biens, vendus au profit de l’Etat.

Il s’est cependant rapidement avéré indispensable de ne pas restreindre les travaux de cette commission municipale à la seule question matérielle ni même au seul territoire de la Ville de Grenoble. Il était non seulement nécessaire de répondre au questionnement initial, les spoliations et leurs victimes, mais plus encore de ne pas isoler ces mesures, au risque de ne pas prendre en compte l’ensemble de leurs conséquences voire même d’oublier la Shoah.

C’est pour cette raison que les travaux menés sous l’égide de la Commission étaient indispensables. Je veux à cet égard remercier l’ensemble des élus, représentants toutes les composantes du Conseil municipal, qui ont participé aux travaux de cette commission, présidée successivement par Michel Bénichou et Georges Lachcar. Les remerciements de la Ville de Grenoble s’adressent également à Tal Bruttmann, historien, qui à partir de la fin 2000 vint renforcer la commission. C’est son travail, remarquable et salué de tous, qui fait l’objet de la présente publication.

Les différents rapports consacrés à la question des spoliations, dont le dernier est l’objet d’un ouvrage intitulé « Aryanisation économique et spoliations en Isère » (P.U.G.), permirent de savoir comment furent spoliées dans le département de l’Isère entre 1940 et 1944 des centaines de familles, pour certaines installées de longue date, pour d’autres réfugiées ici. Mais les travaux de la commission ont également dépassé le cadre initial et d’autres tâches vinrent progressivement s’ajouter à la mission initiale. Ainsi fut réalisé le classement des archives, conservée aux Archives départementales de l’Isère, du camp de Fort-Barraux et plus largement de la politique d’internement menée dans le département par Vichy. Il fut également procédé à l’identification du millier de victimes de la Shoah en Isère, qui fut publiée avec le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère en 2005, à l’occasion de la commémoration du 65e anniversaire de la Libération des camps par les alliés.

Cette connaissance des persécutions qui se déroulèrent à Grenoble et dans le département de l’Isère, leur bilan humain, viennent combler une lacune. Mais ce travail d’histoire achevé ne signifie pas la fin d’un engagement sur le sujet. L’activité de la Commission a permis l’organisation de conférences, d’expositions et d’un important travail à destination des jeunes générations. spoliéAinsi, hier soir nous avons inauguré en présence de Serge Klarsfeld et Annette Wieviorka dans l’ancien Palais du parlement, l’exposition intitulée « Spoliés » (ouverte au public jusqu’au 15 décembre prochain) et tenu dans la foulée une table ronde à la MC² devant un public extrêmement attentif.table_ronde

Car la vigilance contre l’antisémitisme ne doit pas se relâcher. Malgré l’horreur de la Shoah, celui-ci n’a pas disparu, comme l’a montré l’émergence récente d’une nouvelle forme d’antisémitisme.

Je vous invite à lire le discours inaugural de l’exposition.