68e anniversaire de la Libération du camp d’extermination d’AUSCHWITZ-BIRKENAU

Jan 28, 2013 | 3e circonscription, Actualités | 0 commentaires

Je vous invite à découvrir le discours que j’ai prononcé à l’occasion du 68e  anniversaire de la Libération du camp d’extermination d’AUSCHWITZ-BIRKENAU, ce dimanche 27 janvier, date retenue par l’ONU comme journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste.

 

 

Monsieur le Préfet,

Madame la vice-présidente du Conseil général,

Monsieur le représentant du conseil régional,

Mesdames et Messieurs les Elus,

Mon général commandant la 27 ème Brigade d’Infanterie de Montagne,

Madame la Présidente de l’amicale des anciens déportés d’Auschwitz-Birkenau et des camps de Haute-Silésie,

Messieurs les rabbins,

Monsieur l’Inspecteur d’Académie,

Madame la présidente du CRIF,

Mesdames et Messieurs les présidents d’associations,

Mesdames et Messieurs,

 Le 27 janvier 1945, il y a soixante-huit ans jour pour jour, un détachement de l’armée soviétique découvrait, dans une forêt de Haute-Silésie, un lieu qui frappa de stupeur ses libérateurs et que le monde entier apprendrait, bientôt, avoir été le camp d’Auschwitz-Birkenau. 6000 grabataires y agonisaient, tandis que 60000 autres déportés avaient été emmenés par les SS, fuyant l’avancée de l’Armée Rouge dans les marches de la mort. Parmi les survivants, je veux une nouvelle fois saluer ici ce matin notre amie Simone LAGRANGE, l’inspiratrice de la cérémonie qui nous réunit aujourd’hui, ainsi que Magda KAHAN et Charles MITZNER, qui savent pouvoir compter sur notre affection et notre admiration pour le courage extraordinaire dont ils ont su faire preuve. Je veux évoquer aussi bien sûr la mémoire de Henry BULAWKO, longtemps président de l’Union des Déportés d’Auschwitz, à qui il a été  rendu hommage cette semaine en mairie de Grenoble par mon adjoint Jean-Michel DETROYAT.

 Année après année, nous commémorons dans notre ville cet événement dont la date a été retenue par l’ONU comme journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste. Année après année, fidèles à la mémoire nous venons rendre hommage aux six millions de victimes juives de la barbarie nazie. Année après année nous répétons « plus jamais ça »,  croyant en effet depuis 1945 que l’Europe a été vaccinée contre l’intolérance et la haine par l’horreur de la Shoah. C’était encore le cas l’an dernier, ici-même, et à  peine deux mois plus tard pourtant, quatre juifs, dont trois enfants, étaient assassinés à Toulouse pour le seul motif qu’ils étaient juifs. Myriam MONSONEGO, Arié, Jonathan et Gabriel SANDLER, leurs noms s’ajoutent, après celui de Ilan HALIMI, à celui des 75000 juifs déportés depuis la France et morts à Auschwitz.

 Bien sûr la réaction de la France fut en mars dernier à la hauteur du caractère tragique de cet événement. Le président de la République et son successeur manifestèrent leur totale solidarité avec les familles des victimes et avec la communauté juive. Nos concitoyens s’unirent dans l’émotion et la peine. La France était rassemblée pour rejeter le fanatisme. A l’initiative de notre Présidente du CRIF et amie Edwige Elkaïm, la dernière récipiendaire du prix Louis BLUM, madame Samia ESSABAA, le dénonçait courageusement il y a quelques semaines, elle qui lutte contre les préjugés et organise des visites d’Auschwitz pour ses élèves.

Les responsables publics se doivent de faire preuve de la même lucidité et de la même détermination à combattre, partout et auprès de tous, l’antisémitisme. Sans cela la commémoration du 27 janvier ne serait plus qu’un rite sans signification ni conséquence, une sorte de musée de la mémoire alors que la mémoire n’a d’intérêt que lorsqu’elle demeure vivante.

 Bien des politiques publiques sont à entreprendre contre l’antisémitisme mais aussi naturellement contre toute forme de racisme, de préjugé, de volonté de stigmatisation ou d’exclusion et nous savons que rien n’est jamais acquis.

Ainsi, des phénomènes qu’on observe particulièrement aujourd’hui dans une Europe confrontée à une crise économique et à  une crise d’identité. Dans notre pays même, un tiers des Français déclarent ne pas pouvoir faire confiance à une personne d’une autre religion d’après une enquête parue ces jours-ci (du CEVIPOF). C’est un pourcentage en nette augmentation depuis quelques mois. Il nous faut donc plus que jamais œuvrer pour maintenir entre nous un haut degré de civilisation et faire prospérer le vivre-ensemble indispensable à notre avenir. La lutte contre l’échec scolaire, contre le chômage, contre la ségrégation urbaine sont quelques-unes des réponses à apporter au mal qui ronge à nouveau nos sociétés.

 La lutte contre l’antisémitisme doit aussi passer par le rappel de la Shoah car elle nous montre où mènent les discours de la haine. C’est ce que nous faisons à Grenoble avec notre partenariat avec le Mémorial de la Shoah, héritier du CDJC fondé il y a soixante-dix ans dans notre ville, et avec les visites d’Auschwitz-Birkenau par nos lycéens. C’est ce que nous faisons aussi avec la cérémonie de ce matin, qui nous donne l’occasion d’évoquer, sinon de comprendre tant cette horreur dépasse les capacités d’entendement de l’esprit humain, ce que fut Auschwitz. Compagnons de malheur de dizaines de  milliers de prisonniers soviétiques, polonais, tziganes, plus de 900 000 juifs y sont morts en moins de trois années, parmi lesquels 75000 venus de France, dont 11000 enfants. Plus de 900 000 parmi les six millions de victimes juives.  Auschwitz fut le lieu de destination des déportés depuis notre pays et il symbolise à ce titre pour nous le génocide. Et l’ampleur du crime de masse perpétré en Silésie, du fait de  la rigoureuse organisation de la machine de mort allemande, résume le caractère inouï de la Shoah. Avec aussi les ghettos où l’on mourut de la faim et du typhus, avec la Shoah par balles, avec les camps de BELZEC, de CHELMNO, de MAJDANEK, de SOBIBOR et de TREBLINKA.

 Au lendemain de la guerre, les trois quarts des Juifs d’Europe avaient disparu. Une civilisation entière avait été emportée, celle du Yddishland. Elle manque aujourd’hui encore à notre continent. L’Europe unie s’est bâtie après la libération des camps sur les cendres de la Shoah. Mais il y eut trop peu de tisons tirés du feu, pour reprendre la belle expression du rabbin Abraham HESCHELL, pour que l’esprit de l’Europe ne se soit pas trouvé mutilé de l’une des plus riches parts de lui-même.

Les noms d’Anne FRANCK, Etty HILLESUM, Pierre MASSE, Hélène BERR, Irène NEMIROWSKI, Vicktor ULLMANN, Hans KRASA, Rutka LASKLER ne sont que quelques noms de ce long martyrologe du peuple juif assassiné à Auschwitz et dont l’Europe fut privé dans l’après-guerre.

 Et, nous sommes confrontés depuis à l’indicible réponse à apporter au traumatisme qu’engendra Auschwitz dans l’histoire humaine. Comment penser l’humanité après cela ? Tout homme, quelles que soient ses convictions, est amené à faire sienne cette obsédante question. Car si les croyants se demandent où était Dieu, nous sommes tous amenés à nous demander : où était l’homme ?  Peut-être était-il  car c’est la seule réponse que l’on peut avancer, dans la solidarité et la compassion  que manifestèrent des esprits d’élite en plein cœur d’un univers dantesque. Peut-être était-il dans la bonté et le dévouement manifestés par Etty HILLESUM à Auschwitz, à l’instar de ce que montra Marie REYNOARD à Ravensbruck. Peut-être était-il dans le partage d’un bout de pain avec son compagnon par l’affamé ou, par son jeûne, le jour sacré de Kippour. Peut-être était-il dans le sacrifice, pour allumer la lumière de HANOUKA, de son bout de saindoux par un rabbin déclarant à son fils que l’homme pouvait vivre trois semaines sans manger mais pas trois minutes sans espérer. Voilà ce qui nous permet, aujourd’hui, de considérer sans désespoir ce qu’aura été Auschwitz.

 Des consciences morales comme Primo LEVI, Imre KERTESZ, Simone LAGRANGE  ou Simone VEIL en ont témoigné pour les générations futures.

Leur mémoire est la preuve vivante de ce que furent la sélection à l’entrée du camp, le travail forcé, les chambres à gaz, les fours crématoires, les morts réduits en cendre sans kaddish ni épitaphe, la souffrance gratuite infligée à ces derniers nous mettant encore aujourd’hui en présence du mal le plus grand qui soit, du mal absolu. Aux derniers témoins qui restent, nous faisons ici le serment d’être après eux les témoins des témoins pour qu’Auschwitz ne devienne jamais une simple page d’histoire.

 Mais nos cœurs ne sont pas les seules sépultures des martyrs brûlés dans les fours crématoires. Ils sont aussi remplis du sentiment que les morts ne nous demandent cependant pas seulement de les pleurer : les morts exigent aussi que nous sachions nous souvenir d’où est venu le génocide. La rouelle préfigura l’étoile jaune et la carrière le ghetto.

L’antijudaïsme médiéval précéda en effet l’antisémitisme moderne. Le premier détestait l’être trop, différent de soi. Le second abhorrait l’être, trop semblable à soi. Les victimes étaient toujours les mêmes, c’étaient toujours les juifs.

 Et les morts nous obligent, aussi,  à la vigilance où à la révolte pour que jamais semblable désastre ne puisse se répéter après Auschwitz, mais hélas aussi après Srebrenica en Europe, après le Cambodge, après le Rwanda ou le Darfour. Nul consentement au meurtre ne doit jamais être consenti. Nulle manifestation d’intolérance ne doit jamais être acceptée. C’est dans l’œuf que la bête immonde doit toujours être écrasée. Cela vaut en France, où les Français ont le droit d’être juifs ou musulmans sans se voir reprocher leurs pratiques religieuses et sommer de devoir signer une charte spécifique à un seul culte, une charte étrangement qualifiée de républicaine par antiphrase. Cela vaut en Hongrie où les roms et les juifs ont le droit à la sécurité. Cela vaut en Grèce, où un parti néo-nazi a aujourd’hui pignon sur rue. Cela vaut partout où l’unicité du genre humain se voit remise en cause par de nouveaux apprentis-sorciers.

 Mesdames, Messieurs, je vous disais ici même l’an dernier qu’il ne nous suffit pas d’honorer la mémoire des morts, qu’il nous faut encore sonner le tocsin pendant qu’il nous demeure possible de combattre le retour de l’intolérance malgré les crises économique, sociale et morale frappant notre vieux continent. Cet appel n’a rien perdu de son actualité.

 Voilà ce qu’il nous revient de méditer en ce dimanche matin devant le monument des déportés.

Voilà ce qu’il nous revient de proclamer en mémoire des six millions de victimes de la SHOAH.

Mesdames, Messieurs,

Vive le devoir de mémoire, qui est un devoir d’histoire !

Vive l’Europe qui est notre avenir !

Vivent la démocratie, la liberté et la République !

Et vive la France, qui est la patrie de tous ses citoyens quelles que soient leurs origines, leurs religions ou leurs couleurs de peau !