C’est avec émotion que j’ai participé à la commémoration du 70ème anniversaire de la « Saint-Barthélemy » de la Résistance grenobloise et des explosions du Polygone d’artillerie et de la caserne de Bonne ce lundi 25 novembre, en présence de Daniel Huillier, président de Résistance Unie, et André Vallini, Président du conseil général de l’Isère, et de collégiens de Charles Munch notamment. Une implication importante des jeunes générations que je tiens à saluer.
Je vous invite à prendre connaissance du discours que j’ai prononcé à cette occasion.
Soixante-dix ans nous séparent de ces mois terribles de 1943 que nous commémorons aujourd’hui
Que cherchons-nous à travers la remémoration de ces événements terribles si longtemps après ? Que cherchons-nous alors que la continuité du passage de la mémoire à l’histoire semble assurée ? Alors que l’Europe, vieux territoire de conflits, semble avoir retenu la leçon d’un 20ème siècle désastreux en hissant la paix au premier rang de ses objectifs depuis des décennies ? Alors que les peuples sont réconciliés et si manifestement heureux de l’être ?
En dehors du cadre de la justice, quelle réparation attendre du travail de rappel ?
Une forme de réponse à ces questions – au demeurant insondables -, nous a été donnée lors de la récente visite à Oradour-sur-Glane de François Hollande, Président de la République française, et Joachim Gauck, Président Allemand.
On le sait, le 10 juin 1944, 642 personnes avaient été fusillées ou brûlées dans ce village du Limousin par une unité SS qui remontait de Toulouse vers le front de Normandie. La veille, 99 civils avaient été pendus à des balcons ou des lampadaires, à Tulle, dans le même sillage d’épouvante.
Le 4 septembre dernier, nous avons tous vu ces images des deux présidents sortant de la nef sans toit de l’église, dans un silence étouffant, en soutenant un des derniers survivants du massacre, aujourd’hui âgé de 88 ans. Les costumes sombres des trois hommes soudés par la désolation formaient comme un bloc. Un bloc qui remontait, chancelant, éperdu, des abîmes de notre monde beau, fou et cruel.
« Vous êtes la dignité de l’Allemagne d’aujourd’hui, capable de regarder en face la barbarie nazie d’hier. Aujourd’hui, votre visite confirme que l’amitié entre nos deux pays est un défi à l’histoire et un exemple pour le monde entier. Et sa force s’illustre en cet instant même à Oradour-sur-Glane ».
Les propos tenus par François Hollande rappellent une conviction partagée. Une conviction qui est aussi, et avant tout, une promesse que nous devons renouveler, génération après génération, au nom des sacrifices consentis par nos aînés. Tous ces sacrifices ajoutés les uns aux autres, qui ont permis de fissurer la folie nazie avant de l’abattre. Ces sacrifices qui ont permis aux enfants des victimes et à ceux qui les ont suivis d’échapper aux affres et à l’indignité de la tyrannie et de la sauvagerie.
Les mots ont été forts, et ils devaient être dits.
Mais quand le cortège des deux présidents a quitté Oradour quelques heures plus tard, il me semble que ce sont surtout les images de ce trio pantelant qui se sont frayé un chemin dans les profondeurs de nos mémoires.
Nos mémoires sans cesse agitées en quête de leur conscience.
Parce que c’est la condition de notre humanité de s’appuyer sur la mémoire pour faire ses apprentissages. De retenir ce qui n’est plus pour braver l’opacité de ce qui va advenir. D’apprendre de l’expérience vécue pour faire face à ce qui sera.
L’émotion qui nous étreint aujourd’hui à l’évocation de ces journées sanglantes n’est pas seulement de l’ordre du souvenir, du regret, de la perte ou de la reconnaissance.
Si elle est si forte, si prenante, si poignante, c’est parce qu’elle est aussi un appel, une injonction.
Ce que cette émotion ravive et révèle, c’est l’empreinte de toutes celles et de tous ceux qui n’ont pas pu aller librement au bout de leurs jours, qui sont tombés sous les coups, qui ont payé de leur vie la paix que nous avons reçue en héritage.
Alors oui, continuons à honorer leur souvenir. Pour demain et après-demain.
Cette journée commémorative s’est terminée par l’inauguration de l’exposition « Automne 43 – Résistance et répressions » au Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, une exposition à voir jusqu’au 19 mai 2014.