Conseil municipal – Extraits de l’intervention de Michel Destot

Sep 28, 2010 | 3e circonscription, Actualités | 0 commentaires

michel_destotJe souhaite que nos échanges de ce soir s’inspirent, sur le fond comme sur la forme, de la conférence des villes organisée la semaine dernière par l’AMGVF et qui a abouti à l’adoption d’un manifeste commun par les 48 villes membres de l’association, villes de gauche, de droite et écologistes.
Le débat de ce soir s’inscrit dans la continuité d’échanges passés, entre élus mais aussi avec les habitants comme tel a été le cas lors du Carrefour de secteur qui s’est tenu récemment à la Villeneuve.
Il y aura bien d’autres échanges devant le Conseil Municipal car il est important que chacun puisse s’exprimer pour alimenter la réflexion collective. Nous ne voulions pas venir ce soir avec un plan d’action arrêté ; il nous aurait alors été reproché de ne pas prendre le temps du débat et de l’échange, de ne pas permettre son enrichissement.
Proposer ce soir d’adopter un plan d’action pour la Villeneuve aurait aussi été une nouvelle manifestation de stigmatisation pour le quartier et ses habitants. Les difficultés rencontrées ne sont pas en effet spécifiques à la Villeneuve.

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Pour moi, la première des questions est de savoir comment des événements comme ceux qui se sont déroulés cet été, à Grenoble mais aussi ailleurs, ont pu être possibles ?
Je vois deux explications principales :
d’une part, les problèmes sociaux et sociétaux
o le déséquilibre historique de la proportion de logements sociaux concentrés dans certaines villes et certains quartiers,
o l’impact des crises économiques successives,
o l’évolution de la carte de la pauvreté,
o la perte progressive de la mixité sociale initiale,
o l’accentuation de ces phénomènes par une politique d’attribution à partir de 83 % qui a concentré les populations les plus en difficultés, les populations les plus exposées aux difficultés économiques,
o l’inversion insuffisante du peuplement depuis 1995 compte tenu du déficit de logements dans l’agglo.
d’autre part, les problèmes de sécurité
o l’insuffisance des effectifs (-120 agents depuis 2002) que les premiers à condamner sont évidemment les policiers nationaux – fermeture de 3 bureaux de police
o la présence insuffisante sur le terrain pour lutter contre les incivilités du quotidien, pour poser des limites, pour lutter contre la réitérance
o le développement du trafic de drogue et d’armes et d’une forme de sentiment d’impunité
o la nécessité de revoir la doctrine : entre le presque rien qui est le quotidien et une présence basée exclusivement sur des forces d’intervention, il y a évidemment une voie médiane à trouver. Cela est d’autant plus indispensable qu’il est nécessaire aujourd’hui de renouer un lien de confiance entre les forces de l’ordre et la population.

Les raisons de ces événements et des incidents de cet été ne sont donc pas endogènes au quartier de la Villeneuve. Il est à noter d’ailleurs que l’ensemble des journalistes qui ont pris le temps de venir à la Villeneuve, qui en ont rencontré les habitants (encore ce matin avec France Inter ou ce midi avec Canal +) indiquent clairement que la Villeneuve n’est pas un quartier délaissé
Sans nier les difficultés, la Villeneuve dispose d’atouts considérables en termes d’équipements publics ( 2 centres sociaux, 2 centres de santé, 3 bibliothèques, 12 écoles, 2 collèges, 1 théâtre….), avec son parc, des appartements agréables, un attachement collectif au quartier, le maintien d’une forme d’équilibre social, la vitalité associative, la jeunesse du quartier.
Le quartier de la Villeneuve dispose d’aides et de concours plus importants que d’autres quartiers de Grenoble :
o le budget d’exploitation est le plus élevé des 6 secteurs
o la part des subventions socioculturelles est aussi la plus élevée
o une équipe dédiée de la police municipale
o une expérimentation menée sur le plan éducatif (Parler Bambin, gestion de la pause méridienne, Main à la Pâte…)
o un projet de renouvellement urbain de 74 M€

Il n’empêche que des événements graves ont bien eu lieu dans notre ville. Encore faut-il se mettre d’accord sur la réalité de ces événements.
Il faut tout d’abord rétablir la vérité en rappelant qu’il a s’agit d’un fait (le braquage, la course poursuite, la mort) qui est étranger à la réalité de la vie quotidienne de ce quartier et réfuter la terminologie d’émeute ou affrontements violents entre quelques dizaines de jeunes radicalisés et la BAC. La réponse de la part des forces de l’ordre fut bien compréhensible (les policiers ont essuyé des tirs d’armes à feu, des armes ont été saisies) mais inappropriée, car inefficace dans la durée.
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Il faut aussi refuser la stigmatisation et la médiatisation excessive
o Grenoble n’a pas été un cas unique en France : les mêmes faits se sont produits à Nantes fin août et, tout au long de l’été, des policiers nationaux ont été pris à partie, à Avignon, à Perpignan, à Corbeil Essonne
o Une instrumentalisation inacceptable, symbolisée par l’éviction injuste du Préfet Albert Dupuy.
o Une stigmatisation accentuée par le discours prononcé par le Président de la République à Grenoble
Je regrette avec force ces comportements et cette recherche indécente de la polémique qui n’a pas servi notre ville. Cela a particulièrement été le cas s’agissant des accusations de laxisme ou de désintérêt pour les questions de tranquillité et de sécurité publique.
La sécurité est une priorité pour les maires parce qu’elle est au cœur du pacte social et qu’elle est une condition indispensable à la réussite des actions que nous menons, des politiques publiques que nous conduisons.
Elle est une responsabilité collective mais elle est d’abord une compétence régalienne. D’ailleurs les Français ne s’y trompent pas puisqu’en termes de sécurité publique, ils attendent d’abord une action de la Police et de la Gendarmerie (49%), de la Justice (37%), de l’Etat (37%), de l’école (35%) puis seulement des municipalités (24%)
Cela relativise beaucoup certains propos entendus cet été lors des tentatives de diversion sur la responsabilité des maires, sur leur prétendu désintérêt pour ces questions ou sur l’inaction de tel ou tel.
C’est aussi pour cela, pour éviter les manipulations et la stigmatisation, que j’avais demandé, avant ces événements, la réunion d’un Grenelle de la Sécurité Urbaine et de la Cohésion sociale
Les politiques de sécurité doivent en effet être conduites en partenariat entre l’Etat et les collectivités locales, chacun dans sa sphère de compétence.
Pour les maires et les municipalités, c’est un rôle de prévention et c’est bien ce que nous faisons : avec la Police municipale (création de l’équipe de soirée), avec des dispositifs spécifiques de médiation (avec la LMDE, les correspondants de nuit, les éducateurs spécialisées du Codase…), avec un dispositif de réponse graduée (éducateur – Police municipale – Police nationale), avec aussi la prévention situationnelle et l’adaptation de l’espace public (y compris la vidéosurveillance là où elle peut être utile).
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Il y a aujourd’hui trois enjeux forts :
– Laisser la police et la justice travailler sereinement en évitant de commenter les décisions de justice et en laissant le temps aux enquêtes de se dérouler.
– Donner aux forces de l’ordre les moyens de leur mission. 38 policiers nationaux de plus, c’est bien mais cela ne compense pas les pertes depuis 2002. De – 120, on passe à – 80. Cela ne règle pas non plus les problèmes de moyens techniques et financiers.
– Permettre de renouer le dialogue et la confiance entre la Police et nos concitoyens. C’est pour cela qu’il faut une police de terrain et pas uniquement une police d’intervention. La référence du policier pour nos concitoyens, où qu’ils habitent, ça ne peut pas être celui du Raid ou du GIPN mais ce doit être celle du gardien de la paix ou de l’officier de terrain.
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En ce qui nous concerne, nous sommes déterminés à renforcer nos dispositifs de médiation en lien avec le Conseil Général pour mieux adapter la présence du Codase aux réalités du terrain, en confortant les correspondants de nuit qu’il faut sans doute davantage professionnaliser et qu’il faut étendre à d’autres quartiers, en procédant à l’élaboration, partagée avec les habitants, d’un programme d’action secteur par secteur (car les citoyens eux-mêmes considèrent qu’ils sont, au même titre que la Police et la Gendarmerie, les mieux placés pour agir efficacement contre l’insécurité), en poursuivant la territorialisation des équipes de la police municipale
Mais notre engagement va évidemment bien au-delà des seules questions de tranquillité publique et se traduit par la définition en cours et la mise en œuvre à venir d’un plan d’action qui complète et renforce ce que nous faisons déjà :
– Sur le plan de l’accompagnement à l’accès à l’emploi avec un renforcement des suivis individualisés ou la mobilisation accrue du groupe ville dans des logiques de coups de pouce
– Sur le plan de l’aménagement urbain et du peuplement avec la résidentialisation, dans une première phase, d’environ 300 logements, avec aussi l’ouverture du quartier par le réaménagement de la crique centrale de l’Arlequin ou des avenues La Bruyère et Constantine
– Sur le plan des temps de vie collectifs et du soutien aux initiatives associatives et citoyennes avec l’organisation, à la Villeneuve, de temps festifs à destination de tous les Grenoblois mais aussi avec des jardins familiaux, des animations ludiques et sportives, des animations estivales…
– Sur le plan de la réussite éducative et de l’accompagnement sur la voie de l’autonomie
o avec la poursuite de démarches innovantes et expérimentales comme le programme  »Parler  » dans les écoles maternelles ou la Main à la Pâte
o avec aussi la montée en puissance du FIJ et l’inscription dans le dispositif des services civiques jeunesse
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Pour conclure, je veux dire que dans des situations comme celle que nous avons vécue cet été, beaucoup de choses se disent, s’écrivent, s’entendent. Ce que je veux en retenir, ce sont les nombreux messages de solidarité venus de partout en France.
Des messages qui traduisent la confiance dans les atouts de notre ville et dans sa capacité de rebond. Une confiance que je partage et qui me rend optimiste pour l’avenir à la condition que nous n’oublions jamais que notre action s’inscrit dans la durée et que nous puissions disposer des moyens nécessaires pour assurer la sécurité et la tranquillité publique.
A la condition aussi que se développe progressivement un autre regard de l’extérieur sur ce quartier et ses habitants.
Enfin, je souhaite remercier les Grenoblois qui en manifestant leur soutien au Maire manifestaient aussi leur attachement à leur ville, remercier les services de la Ville qui ont été d’une très grande efficacité et d’une très grande compétence au cours de cet été.